J'ai enfin un "vrai" métier
Ep.18
Daniel

Paradoxalement, la crise sanitaire a ouvert des opportunités professionnelles à Maribel. Aide-soignante dans un Ehpad, la compagne de Daniel sort peu à peu de la précarité, au prix d’une charge de travail énorme.

Elle est une travailleuse "essentielle", une "première de corvée". À 34 ans, Maribel, la compagne de Daniel, exerce comme aide-soignante au Foyer du romarin, un Ehpad en périphérie de Montpellier. La toilette du matin, « des pieds à la tête », les transferts des personnes âgées du lit au fauteuil, entre autres « soins d’hygiène et de confort », rythment son quotidien. En lisière de garrigue, l’établissement associatif accueille une centaine de résidents. Dans son jardin, à flanc de colline, des carillons sonnent au rythme du vent. Cet après-midi de janvier, pas un pensionnaire ne se profile à l’horizon. Un cas de Covid a transformé l’Ehpad en forteresse. Les patients sont confinés dans leur chambre. D’autres, trop déboussolés pour rester enfermés, sont placés en quarantaine dans un bâtiment à part. « Il y a beaucoup de souffrance de part et d’autre en ce moment, souffle Maribel. Et nous, au milieu, on est comme des éponges. »

La toilette du matin, les transferts des personnes âgées du lit au fauteuil, entre autres « soins d’hygiène et de confort », rythment son quotidien.

Voilà près d’un an que la crise sanitaire empoisonne la vie du Foyer du romarin et celle de son personnel. Maribel nous retrouve au rez-de-chaussée, dans l’une des deux seules salles autorisées aux visiteurs. Les familles peuvent y rencontrer leur proche 30 minutes, séparées par la largeur de deux tables, quand ce ne sont pas des plaques en Plexiglas. « Ils ne se voient pas toujours bien à cause des reflets, ils ne peuvent pas s’embrasser… On est les premiers à se "prendre" les reproches. On comprend que c’est très dur pour eux, mais tout cela nous pèse. » En blouse rose et blanche, Maribel parvient à garder le sourire quand elle raconte « la charge de travail énorme », « la fatigue qui s’accumule » et « la barbe de boutons » qui lui pousse sur les joues, là où frotte le masque.

Contre toute attente, pourtant, la crise sanitaire lui a ouvert des opportunités professionnelles. « D’une certaine façon, le Covid a été ma chance », constate-t-elle, un peu perplexe. Alors que Daniel, cuisinier dans un restaurant de Sète, est au chômage partiel depuis novembre, Maribel n’a jamais autant travaillé. « Je suis censée faire 14 jours de 12 heures par mois, soit 168 heures. Le mois dernier, j’étais à presque 200. » Les manques d’effectif ne sont plus compensés par le recours à des intérimaires, alors le personnel enchaîne les heures supplémentaires. Depuis qu’elle a pris ses fonctions d’aide-soignante, en février 2020, Maribel s’estime sortie de la précarité. « J’ai enfin un "vrai" métier, dont je suis fière, en CDI, dans un secteur où il n’y a pas de chômage. » Pendant plus de quinze ans, rien de tout cela ne lui semblait à sa portée.

J’ai enfin un "vrai" métier, dont je suis fière, en CDI, dans un secteur où il n’y a pas de chômage.

Impressions sur le vif, lors de cette journée où un cas de Covid a transformé l’Ehpad en forteresse et où les patients ont été confinés dans leur chambre.

Née à Narbonne, dans l’Aude, Maribel quitte l’école avant le bac, enceinte de sa fille aînée.

Née à Narbonne, dans l’Aude, Maribel quitte l’école avant le bac, enceinte de sa fille aînée. « Entrée très tôt dans le monde du travail », elle choisit de s’arrêter deux ans à la naissance de son fils, quatre ans plus tard. « À l’époque, je n’ai pas pensé à moi. Il faut dire que je n’avais pas de but. Pour moi, travailler, c’était gagner sa vie. » Seule pour élever ses enfants, elle compose ensuite avec des CDD au Smic, dans la vente et la restauration, du travail non-déclaré, le RSA et d’autres aides sociales. La Banque alimentaire pour les colis, Emmaüs pour l’habillement des enfants, l’aident à surmonter « les mois qui finissent tous dans le rouge ». « Il m’est arrivé d’ouvrir mes placards et de n’avoir que de la farine, de l’huile et du sel. J’en avais fait des galettes qui nous avaient fait un repas. Avec le recul, je me dis, heureusement que j’étais jeune. J’étais pleine d’énergie, de ressources, toujours en train de chercher quel travail je pourrais faire pour gagner 1 200 euros, quel organisme pourrait m’aider. »

Sa fille et son fils aussi s’adaptent, ils apprennent vite l’autonomie. Maribel, qui vit alors à Toulouse, évite les sorties en centre-ville, « où l’on est constamment tentés de consommer ». La pauvreté isole la famille. « Mais j’ai toujours emmené les enfants faire de longues balades dans la nature, insiste-t-elle. Aujourd’hui, mon fils est parfois un peu en décalage avec ses copains qui jouent aux jeux vidéo. Il préfère faire des cabanes, du vélo... J’en suis fière. On a vécu des moments très difficiles, ils ont peut-être perdu leur innocence d’enfant tôt, mais on a aussi de bons souvenirs. Quand on a 20, 25 ans, on a l’impression que rien n’est grave. On galère, mais on a la vie devant soi. »

Je me suis sentie en échec. Je ne voulais plus me résigner aux petits boulots. J’avais besoin de me sentir capable.

Vers l'âge de 27 ans, Maribel s’est dit qu’elle ne pouvait « pas continuer comme ça ». « Je me suis sentie en échec. Je ne voulais plus me résigner aux petits boulots. J’avais besoin de me sentir capable. » Elle décide de reprendre des études « pour pouvoir prétendre à un métier plus intéressant, moins contraignant et mieux payé ». Ce sera un titre professionnel, de niveau bac, dans le commerce à distance. Huit mois à temps plein financés par Pôle emploi. La jeune femme s’accroche et réussit les épreuves au rattrapage. Sa première expérience post-diplôme, comme responsable d’une salle de sport, ne lui convient pas. « Il fallait faire du chiffre d’affaires à tout prix, ce n’était pas pour moi. » Elle postule dans un Ehpad, en temps qu’agente des services hospitaliers (ASH). Pendant un an et demi, elle sert les repas, fait le ménage des chambres, seconde les aides-soignantes.

Le monde médico-social lui plaît. Il lui donne le goût d’évoluer. Au Foyer du romarin, où elle arrive en 2019, elle fait le siège du service RH pour réclamer des remplacements de nuit comme aide-soignante. « Dès qu’ils envoyaient les grilles, je me positionnais. Je les ai "soûlés" ! Ça a fini par payer. » Le Covid n’a fait qu’augmenter les besoins en renforts. Depuis l’hiver 2020, son contrat de travail indique qu’elle « fait office » d’aide-soignante. Le titre officiel viendra par équivalence. Maribel se voit déjà évoluer vers « infirmière, infirmière spécialisée, cadre, pourquoi pas. Je ne limite pas mes rêves parce que je m’y suis toujours accrochée et que cela a fonctionné. Dans la tête de beaucoup de gens, on ne peut pas s’en sortir, avoir un bon métier, en ayant arrêté l’école à 17 ans. Mais il peut se passer n’importe quoi dans la vie : une envie, un déclic... »

Pour l’heure, Maribel encaisse la fatigue pour compenser la perte de revenus de Daniel et éponger les crédits du couple.

Son salaire de base tourne aujourd’hui autour de 1 450 euros net. Cet été, Maribel a bénéficié de la prime de 1 000 euros accordée au personnel des Ehpad. Avec les heures supplémentaires, sa rémunération peut monter jusqu’à 1 800 euros, voire 2 000 euros. « J’ai la chance de pouvoir augmenter mon salaire quand je veux. Mais quand je fais ça, je suis explosée. » Pour l’heure, elle encaisse la fatigue pour compenser la perte de revenus de Daniel et « éponger les crédits » du couple. « On a encore des choses à surmonter, mais j’espère rembourser le maximum avant l’été, pour prendre des vacances et passer à d’autres projets. » Comme acheter un jour une maison - « une sécurité supplémentaire » - et entreprendre une formation d’infirmière que pourrait prendre en charge son employeur. « Après ça, je voudrais pouvoir me dire que 1 500 euros par mois me suffisent, que je ne manque de rien, que je peux me faire un resto de temps en temps et que je ne suis plus épuisée. »

Avec Daniel, on a encore des choses à surmonter, mais j’espère rembourser le maximum avant l’été.

éclairage
Combattre la pauvreté féminine

Les métiers de l'aide à la personne et de la santé, telles les aides-soignantes et les infirmières, comptent parmi ceux où la part des femmes est la plus élevée : 89% sur 930 000 salariés, rappelle le ministère du Travail (voir l’étude de la Dares ci-dessous).

Comme dans l'éducation, la vente ou l'entretien, cette non-mixité va de pair avec une moindre valorisation, par rapport aux professions techniques et industrielles, plus souvent occupées par des hommes. « Il s’agit d’éduquer, soigner, assister, nettoyer, conseiller, écouter, coordonner... Bref, de faire appel à des "compétences présumées innées", si "naturelles" quand on est femme, rappelait en avril 2020, dans une tribune au Monde, un collectif d'universitaires et de syndicalistes. Cette dévalorisation est l’un des facteurs expliquant les 26% d’écarts salariaux entre les femmes et les hommes. »

D'où l'appel des signataires à « revaloriser les emplois et carrières à prédominance féminine », par exemple en prenant mieux en compte certaines compétences : la technicité, mais aussi les responsabilités, les savoirs relationnels, la pénibilité psychique et non seulement physique, etc.

Un levier pour combattre la précarité et la pauvreté féminines. En 2018, l'ONG Oxfam estimait qu'entre 2006 et 2017, « la part de femmes en activité professionnelle et pauvres est passée de 5,6 % à 7,3 % ». Les mères de famille monoparentale sont les plus touchées : « parmi celles qui travaillent, plus d’un quart vit sous le seuil de pauvreté, soit un million de femmes ».

Un constat également souligné par le Secours Catholique dans son “État de la pauvreté en France 2020”. « Les mères isolées sont avec les hommes seuls le type de ménage le plus fréquemment rencontré dans les accueils du Secours Catholique : elles représentent près d’un quart des ménages rencontrés (et une femme sur trois rencontrées), rapporte l’association qui précise encore : « Près d’un quart (des mères isolées de nationalité française) occupent un emploi mais il s’agit très souvent d’emplois précaires et peu rémunérateurs à temps partiel, ou encore en CDD et intérim. »

J'ai enfin un "vrai" métier
Ep.18
Daniel

Paradoxalement, la crise sanitaire a ouvert des opportunités professionnelles à Maribel. Aide-soignante dans un Ehpad, la compagne de Daniel sort peu à peu de la précarité, au prix d’une charge de travail énorme.

Elle est une travailleuse "essentielle", une "première de corvée". À 34 ans, Maribel, la compagne de Daniel, exerce comme aide-soignante au Foyer du romarin, un Ehpad en périphérie de Montpellier. La toilette du matin, « des pieds à la tête », les transferts des personnes âgées du lit au fauteuil, entre autres « soins d’hygiène et de confort », rythment son quotidien. En lisière de garrigue, l’établissement associatif accueille une centaine de résidents. Dans son jardin, à flanc de colline, des carillons sonnent au rythme du vent. Cet après-midi de janvier, pas un pensionnaire ne se profile à l’horizon. Un cas de Covid a transformé l’Ehpad en forteresse. Les patients sont confinés dans leur chambre. D’autres, trop déboussolés pour rester enfermés, sont placés en quarantaine dans un bâtiment à part. « Il y a beaucoup de souffrance de part et d’autre en ce moment, souffle Maribel. Et nous, au milieu, on est comme des éponges. »

La toilette du matin, les transferts des personnes âgées du lit au fauteuil, entre autres « soins d’hygiène et de confort », rythment son quotidien.

Voilà près d’un an que la crise sanitaire empoisonne la vie du Foyer du romarin et celle de son personnel. Maribel nous retrouve au rez-de-chaussée, dans l’une des deux seules salles autorisées aux visiteurs. Les familles peuvent y rencontrer leur proche 30 minutes, séparées par la largeur de deux tables, quand ce ne sont pas des plaques en Plexiglas. « Ils ne se voient pas toujours bien à cause des reflets, ils ne peuvent pas s’embrasser… On est les premiers à se "prendre" les reproches. On comprend que c’est très dur pour eux, mais tout cela nous pèse. » En blouse rose et blanche, Maribel parvient à garder le sourire quand elle raconte « la charge de travail énorme », « la fatigue qui s’accumule » et « la barbe de boutons » qui lui pousse sur les joues, là où frotte le masque.

Contre toute attente, pourtant, la crise sanitaire lui a ouvert des opportunités professionnelles. « D’une certaine façon, le Covid a été ma chance », constate-t-elle, un peu perplexe. Alors que Daniel, cuisinier dans un restaurant de Sète, est au chômage partiel depuis novembre, Maribel n’a jamais autant travaillé. « Je suis censée faire 14 jours de 12 heures par mois, soit 168 heures. Le mois dernier, j’étais à presque 200. » Les manques d’effectif ne sont plus compensés par le recours à des intérimaires, alors le personnel enchaîne les heures supplémentaires. Depuis qu’elle a pris ses fonctions d’aide-soignante, en février 2020, Maribel s’estime sortie de la précarité. « J’ai enfin un "vrai" métier, dont je suis fière, en CDI, dans un secteur où il n’y a pas de chômage. » Pendant plus de quinze ans, rien de tout cela ne lui semblait à sa portée.

J’ai enfin un "vrai" métier, dont je suis fière, en CDI, dans un secteur où il n’y a pas de chômage.

Impressions sur le vif, lors de cette journée où un cas de Covid a transformé l’Ehpad en forteresse et où les patients ont été confinés dans leur chambre.

Née à Narbonne, dans l’Aude, Maribel quitte l’école avant le bac, enceinte de sa fille aînée.

Née à Narbonne, dans l’Aude, Maribel quitte l’école avant le bac, enceinte de sa fille aînée. « Entrée très tôt dans le monde du travail », elle choisit de s’arrêter deux ans à la naissance de son fils, quatre ans plus tard. « À l’époque, je n’ai pas pensé à moi. Il faut dire que je n’avais pas de but. Pour moi, travailler, c’était gagner sa vie. » Seule pour élever ses enfants, elle compose ensuite avec des CDD au Smic, dans la vente et la restauration, du travail non-déclaré, le RSA et d’autres aides sociales. La Banque alimentaire pour les colis, Emmaüs pour l’habillement des enfants, l’aident à surmonter « les mois qui finissent tous dans le rouge ». « Il m’est arrivé d’ouvrir mes placards et de n’avoir que de la farine, de l’huile et du sel. J’en avais fait des galettes qui nous avaient fait un repas. Avec le recul, je me dis, heureusement que j’étais jeune. J’étais pleine d’énergie, de ressources, toujours en train de chercher quel travail je pourrais faire pour gagner 1 200 euros, quel organisme pourrait m’aider. »

Sa fille et son fils aussi s’adaptent, ils apprennent vite l’autonomie. Maribel, qui vit alors à Toulouse, évite les sorties en centre-ville, « où l’on est constamment tentés de consommer ». La pauvreté isole la famille. « Mais j’ai toujours emmené les enfants faire de longues balades dans la nature, insiste-t-elle. Aujourd’hui, mon fils est parfois un peu en décalage avec ses copains qui jouent aux jeux vidéo. Il préfère faire des cabanes, du vélo... J’en suis fière. On a vécu des moments très difficiles, ils ont peut-être perdu leur innocence d’enfant tôt, mais on a aussi de bons souvenirs. Quand on a 20, 25 ans, on a l’impression que rien n’est grave. On galère, mais on a la vie devant soi. »

Je me suis sentie en échec. Je ne voulais plus me résigner aux petits boulots. J’avais besoin de me sentir capable.

Vers l'âge de 27 ans, Maribel s’est dit qu’elle ne pouvait « pas continuer comme ça ». « Je me suis sentie en échec. Je ne voulais plus me résigner aux petits boulots. J’avais besoin de me sentir capable. » Elle décide de reprendre des études « pour pouvoir prétendre à un métier plus intéressant, moins contraignant et mieux payé ». Ce sera un titre professionnel, de niveau bac, dans le commerce à distance. Huit mois à temps plein financés par Pôle emploi. La jeune femme s’accroche et réussit les épreuves au rattrapage. Sa première expérience post-diplôme, comme responsable d’une salle de sport, ne lui convient pas. « Il fallait faire du chiffre d’affaires à tout prix, ce n’était pas pour moi. » Elle postule dans un Ehpad, en temps qu’agente des services hospitaliers (ASH). Pendant un an et demi, elle sert les repas, fait le ménage des chambres, seconde les aides-soignantes.

Le monde médico-social lui plaît. Il lui donne le goût d’évoluer. Au Foyer du romarin, où elle arrive en 2019, elle fait le siège du service RH pour réclamer des remplacements de nuit comme aide-soignante. « Dès qu’ils envoyaient les grilles, je me positionnais. Je les ai "soûlés" ! Ça a fini par payer. » Le Covid n’a fait qu’augmenter les besoins en renforts. Depuis l’hiver 2020, son contrat de travail indique qu’elle « fait office » d’aide-soignante. Le titre officiel viendra par équivalence. Maribel se voit déjà évoluer vers « infirmière, infirmière spécialisée, cadre, pourquoi pas. Je ne limite pas mes rêves parce que je m’y suis toujours accrochée et que cela a fonctionné. Dans la tête de beaucoup de gens, on ne peut pas s’en sortir, avoir un bon métier, en ayant arrêté l’école à 17 ans. Mais il peut se passer n’importe quoi dans la vie : une envie, un déclic... »

Pour l’heure, Maribel encaisse la fatigue pour compenser la perte de revenus de Daniel et éponger les crédits du couple.

Son salaire de base tourne aujourd’hui autour de 1 450 euros net. Cet été, Maribel a bénéficié de la prime de 1 000 euros accordée au personnel des Ehpad. Avec les heures supplémentaires, sa rémunération peut monter jusqu’à 1 800 euros, voire 2 000 euros. « J’ai la chance de pouvoir augmenter mon salaire quand je veux. Mais quand je fais ça, je suis explosée. » Pour l’heure, elle encaisse la fatigue pour compenser la perte de revenus de Daniel et « éponger les crédits » du couple. « On a encore des choses à surmonter, mais j’espère rembourser le maximum avant l’été, pour prendre des vacances et passer à d’autres projets. » Comme acheter un jour une maison - « une sécurité supplémentaire » - et entreprendre une formation d’infirmière que pourrait prendre en charge son employeur. « Après ça, je voudrais pouvoir me dire que 1 500 euros par mois me suffisent, que je ne manque de rien, que je peux me faire un resto de temps en temps et que je ne suis plus épuisée. »

Avec Daniel, on a encore des choses à surmonter, mais j’espère rembourser le maximum avant l’été.

éclairage
Combattre la pauvreté féminine

Les métiers de l'aide à la personne et de la santé, telles les aides-soignantes et les infirmières, comptent parmi ceux où la part des femmes est la plus élevée : 89% sur 930 000 salariés, rappelle le ministère du Travail (voir l’étude de la Dares ci-dessous).

Comme dans l'éducation, la vente ou l'entretien, cette non-mixité va de pair avec une moindre valorisation, par rapport aux professions techniques et industrielles, plus souvent occupées par des hommes. « Il s’agit d’éduquer, soigner, assister, nettoyer, conseiller, écouter, coordonner... Bref, de faire appel à des "compétences présumées innées", si "naturelles" quand on est femme, rappelait en avril 2020, dans une tribune au Monde, un collectif d'universitaires et de syndicalistes. Cette dévalorisation est l’un des facteurs expliquant les 26% d’écarts salariaux entre les femmes et les hommes. »

D'où l'appel des signataires à « revaloriser les emplois et carrières à prédominance féminine », par exemple en prenant mieux en compte certaines compétences : la technicité, mais aussi les responsabilités, les savoirs relationnels, la pénibilité psychique et non seulement physique, etc.

Un levier pour combattre la précarité et la pauvreté féminines. En 2018, l'ONG Oxfam estimait qu'entre 2006 et 2017, « la part de femmes en activité professionnelle et pauvres est passée de 5,6 % à 7,3 % ». Les mères de famille monoparentale sont les plus touchées : « parmi celles qui travaillent, plus d’un quart vit sous le seuil de pauvreté, soit un million de femmes ».

Un constat également souligné par le Secours Catholique dans son “État de la pauvreté en France 2020”. « Les mères isolées sont avec les hommes seuls le type de ménage le plus fréquemment rencontré dans les accueils du Secours Catholique : elles représentent près d’un quart des ménages rencontrés (et une femme sur trois rencontrées), rapporte l’association qui précise encore : « Près d’un quart (des mères isolées de nationalité française) occupent un emploi mais il s’agit très souvent d’emplois précaires et peu rémunérateurs à temps partiel, ou encore en CDD et intérim. »