Alimentation : « De nombreux consommateurs et producteurs partagent une même précarité »

Entretien avec Marie Drique, responsable "Accès digne à l'alimentation durable" au Secours Catholique

Le Secours Catholique milite pour l’accès de tous à une alimentation saine et durable. Quel regard portez-vous sur le mouvement social des agriculteurs de ces dernières semaines ?

Marie Drique : La précarité dans le monde agricole est une réalité que l’on connaît surtout par nos partenaires français comme Solidarité Paysans et le réseau des Civam. Certaines de nos équipes locales sont aussi parfois sollicitées par des agriculteurs en demande d’écoute, de coups de pouce pour l’achat de matériel ou d’une aide en cas de coup dur. 

Cette pauvreté dans laquelle vivent de nombreux paysans, nous la constatons également au niveau international par l'intermédiaire de nos partenaires.  Au Secours Catholique, nous agissons depuis des années à l'étranger, avec des acteurs locaux, auprès des petits paysans pour développer et soutenir l’agroécologie dans les pays du Sud. Nous pouvons observer les méfaits des changements climatiques pour ces petites exploitations familiales. Nous pouvons également mesurer les conséquences délétères d’une partie de nos importations - comme l’huile de palme, les bananes et le soja - sur leurs conditions de vie.

Pour nous, cette crise des agriculteurs confirme un besoin qui est aussi un défi en France comme à l'international : comment rend-t-on une alimentation de qualité accessible au plus grand nombre sans compromettre le revenu de ceux qui la produisent ? On attend de la part des agriculteurs qu'ils produisent le moins cher possible pour rendre l’alimentation la plus accessible possible, et cela au détriment de leur revenu et de la qualité de notre alimentation. 

Au Secours Catholique, nous estimons que la solution pour résoudre cette équation est dans la transformation du système et dans un plus juste partage de la valeur, et non pas dans l’opposition entre le caddie et le tracteur. 

C’est d’ailleurs pour cela que nous travaillons conjointement sur ces sujets avec des organisations comme les Civam et l’association Solidarité paysans, issues du monde agricole, en impliquant d’un côté comme de l’autre les premiers concernés.

Pourquoi est-ce important de faire travailler ensemble, sur ce sujet, consommateurs et producteurs précaires ? 

M. D. : Parce que ce sont deux destins communs, deux mondes qui s’ignorent et qui, lorsqu’ils se rencontrent, se rendent compte qu’ils vivent des choses très similaires en termes de précarité. Ils sont perdants ensemble d’un système alimentaire qui dysfonctionne. Et c’est important de comprendre ce que vit l’autre en bout de chaîne afin de défendre des solutions communes, et non pas les uns au détriment des autres.

Lorsqu’ils découvrent la situation de nombreux agriculteurs - le travail qu’ils fournissent et les énormes difficultés qu’ils ont à en vivre dignement - souvent, les consommateurs, même précaires, ressentent de l’injustice et ont envie de contribuer à améliorer cette situation.

À quoi travaillez-vous ?

M. D. :  Avec les Civam et Solidarité paysans, nous essayons de comprendre ce que nous coûtent collectivement les conséquences écologiques et sociales de notre système alimentaire. Nous essayons aussi évidemment d'en connaître les causes. Tout ce travail va faire l’objet d’un rapport sur les coûts cachés de l’alimentation, dont la sortie est prévue cet automne. 

Nous mettons enfin nos différents savoirs et expériences en commun pour imaginer des solutions à un problème qui nous concerne tous : comment on produit de la qualité et comment on rend cette qualité accessible à tous.
 

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