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Des restaurants où chacun a sa place

Des restaurants où chacun a sa place

Temps de lecture
6 minutes
Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Gard
Repas des villes, repas des champs
Le levier de la participation
La crise sanitaire comme révélateur
Chapô
Le repas est le moment de la journée le plus propice au partage. Certains acteurs, dont le Secours Catholique, l’ont bien compris : avec les plus précaires, ils construisent des lieux de restauration où l’on peut cuisiner et bien manger à moindres frais. Des initiatives qui, malgré la crise sanitaire, prennent de l’ampleur.
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Hamid et Magali déjeunent régulièrement à la “Petite Marmite” de Manosque, ville des Alpes-de-Haute-Provence. Cette ancienne pizzeria, reconvertie en restaurant solidaire par le Secours Catholique il y a bientôt trois ans, accueille une vingtaine de personnes par service.

Hamid dispose de peu de moyens depuis son accident du travail. Et ses relations se sont restreintes. « Nous aimons venir ici. Les repas sont bons, avec des produits frais, préparés le jour même, dit-il. Et ça nous permet de rencontrer des gens. »

« Chacun paie son repas selon ses moyens », indique Michel Lauferon, responsable bénévole de la “Petite Marmite”. « 3 euros couvrent les matières premières, 2 euros supplémentaires couvrent les frais de fonctionnement, et 3 euros de plus permettent d’amortir l’entreprise. Nos convives le savent et donnent ce qu’ils peuvent. »

À 81 ans, l’ancien maire de Salignac, ville proche de Manosque, a rejoint il y a quatre ans l’équipe locale du Secours Catholique, au moment où l’on s’y inquiétait du nombre croissant de personnes souffrant d’un accès insuffisant à une alimentation de qualité, mais également de solitude. Il s’est mis aussitôt au travail.

« Nous avons rédigé un questionnaire et nous avons demandé aux habitants de la ville s’ils seraient intéressés par une cantine participative, un restaurant solidaire. Viendriez-vous y manger ou faire la cuisine ? En seriez-vous usager ou bénévole ? Ou les deux ? précise Michel Lauferon. Nombreux étaient ceux qui étaient sensibles à la démarche et beaucoup se sont proposés pour venir nous aider. »

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© Xavier Schwebel/Secours Catholique - Caritas France
© Xavier Schwebel/Secours Catholique - Caritas France
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Malika est de ceux-là. Après avoir été durant trente ans éducatrice spécialisée, elle fait désormais partie de la trentaine de bénévoles (divisée en 7 équipes) qui font bouillir la “Petite Marmite” les jours d’ouverture.

« J’ai aimé le projet et j’ai participé à sa concrétisation, dit-elle. Au début, les clients étaient des gens en difficulté financière. Puis, progressivement, il y a eu des personnes âgées isolées et dernièrement des travailleurs entre 30 et 45 ans, qui avaient envie de partager leur repas avec des personnes de milieux différents. »

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Repas des villes, repas des champs

Au cœur de la vallée de l’Eyrieux, en Ardèche, la “Marmite du partage” repose, elle aussi, sur la participation bénévole. Le premier samedi du mois, les personnes s’installent dans une salle prêtée par une des municipalités de la vallée. Chacun apporte les produits nécessaires, tout le monde cuisine ensemble.

Créée avec l’Église protestante, l’association Eyrieux solidarité et le Secours Catholique local pour revitaliser ce territoire marginalisé et expérimenter de nouvelles façons de lutter contre la précarité, la “Marmite du partage” se veut un remède à l’isolement. Un covoiturage est d’ailleurs associé à la démarche.

« La “Marmite” est une aventure humaine », déclare François Demurger, enseignant à la retraite et partie prenante du projet. « Nous nous intéressons aux invisibles qui ont besoin d’être reconnus, dans leurs problèmes et leur vécu… La “Marmite” contribue à réduire les inégalités. »

Pour le réseau des “Petites Cantines”, le combat contre l’isolement et pour la mixité sociale est identique, mais plus urbain. « Dans les métropoles comme Paris ou Lyon, 45 % des gens se plaignent de la solitude », observe leur cofondatrice, Diane Dupré-La Tour. Avec Étienne Thouvenot, elle a monté un réseau de cantines pour tisser du lien entre les habitants d’un quartier. Là encore, « le repas est un prétexte pour faciliter les rencontres de proximité ».

Ces “Petites Cantines” sont implantées dans des quartiers populaires de Lyon, Lille, Strasbourg, Annecy et Paris. D’autres sont en projet. Ouvertes à tous, chacune est financièrement autonome, animée par un “maître de maison” qui orchestre cuisine, service et accueil. Et le souci du bien-manger passe par la qualité et l’origine des produits. « L’objectif est d’en faire un lieu de restauration solidaire qui agrège citoyenneté et écologie », explique Alexis Garnier, délégué du Secours Catholique de Meuse-Moselle.

Nous voulons en faire un lieu de restauration solidaire qui agrège citoyenneté et écologie.
Alexis Garnier (Secours Catholique de Meuse-Moselle)


À Metz, l’association projette de monter une “Petite Cantine” dans d’anciens bâtiments militaires récupérés par la municipalité, en partenariat avec une autre association qui promeut une alimentation de qualité issue de circuits courts. « Nous envisageons de salarier une personne pour coordonner, explique-t-il, et veiller à la mixité de la clientèle du quartier, travailleurs et personnes en précarité. »

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© Xavier Schwebel/Secours Catholique - Caritas France
© Xavier Schwebel/Secours Catholique - Caritas France
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Le levier de la participation

Alexis Garnier souligne l’importance de ces repas solidaires pour le repérage de la précarité : « Ils sont la porte d’entrée des personnes qui ont besoin d’aide – une aide médicale, administrative ou autre. »

En proposant aux personnes en difficulté de se mêler à d’autres convives (habitants, travailleurs du quartier, retraités isolés…) ou de participer directement à l’élaboration des repas, la restauration solidaire, dans ses formes participatives et non stigmatisantes, représente aujourd’hui un pas supplémentaire dans la façon de les accompagner.

Dernière mutation de l’action du Secours Catholique dans ce domaine : aller au-devant des personnes plutôt qu’attendre qu’elles viennent vers les acteurs associatifs.

Unique en son genre (mais bientôt imitée), l’équipe de Vauvert a ainsi mis sur pied un fourgon-restaurant. La “Roulotte des délices” cuisine sur les marchés et les places de villages du Gard et, bientôt, dans des quartiers populaires. « L’alimentation est un biais pour rencontrer les plus précaires », observe Sylvie Camand, l’animatrice locale du réseau, « et construire avec eux des solutions pour mieux répondre à leurs problèmes. »

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La Roulotte des Délices, action lancée par le Secours Catholique du Gard, propose de créer du lien social et de sortir de l'isolement autour d'un repas partagé. © Xavier Schwebel/Secours Catholique
La Roulotte des Délices, action lancée par le Secours Catholique du Gard, propose de créer du lien social et de sortir de l'isolement autour d'un repas partagé.
© Xavier Schwebel/Secours Catholique
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La crise sanitaire comme révélateur

Loin de donner un coup d’arrêt à ces dynamiques, la pandémie de Covid-19 a plutôt agi comme un révélateur des besoins. « La crise sanitaire a notamment souligné un fait flagrant : les personnes à la rue ou hébergées en hôtel manquent de lieux pour cuisiner, pour prendre un repas chaud, convenable », indique Marie Drique, chargée de l’alimentation au Secours Catholique. « Avec d’autres associations caritatives, nous avons alerté le gouvernement sur ce point. Il nous a promis 10 millions d’euros pour équiper des espaces de restauration. »

Marie Drique, comme Alexis Garnier, souligne l’importance de cette restauration solidaire pour permettre à tous d’accéder à une alimentation correcte, saine et équilibrée. Et de retisser du lien social.

À l’apparition de la Covid-19, les cantines de Vauvert, de Manosque, de Metz et d’Ardèche, comme tous les lieux de restauration, ont fermé. Sans pour autant éteindre la ferveur de la solidarité chez les bénévoles. Marmites, roulottes et cantines ont alors distribué des paniers solidaires et cuisiné des repas à emporter.

À la “Marmite du partage”, les bénévoles ont également fait la cueillette de fruits et de légumes et préparer des centaines de conserves.

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REGARD - Carine Colson, directrice du CCAS de Manosque

« La “Petite Marmite” répond aux besoins d’un public »

«  La “Petite Marmite” est une initiative unique dans notre ville. De par mes fonctions, j’ai eu à connaître de nombreux projets. Celui-là répond à un réel besoin. Il s’inscrit dans une démarche globale, bien préparée en amont par un questionnaire et une étude des besoins. Il correspond à un public et complète notre action. Actuellement, nous avons de plus en plus de personnes isolées. On sent une fragilité sociale. 
 
Les bénévoles de la “Petite Marmite” sont présents lors des moments-clés de la vie de la cité. Ils étaient là, par exemple, à Noël. Depuis son ouverture en 2018, la “Petite Marmite” organisait un repas le jour même de Noël. C’était la seule association ouverte ce jour-là. Cette année, bien que le restaurant soit fermé, les bénévoles ont distribué 50 paniers-repas le 25 décembre à des personnes isolées.  »
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Nom(s)
© Xavier Schwebel/Secours Catholique - Caritas France
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