En Tchétchénie, des mots sur des maux

Chapô
En 2017, le Tchétchène Abdulla Duduev a reçu le prix des Droits de l’homme de la République française. Ce prix récompense l'action du Centre d’Initiative pour le Caucase, dont il est le fondateur, et la publication de son journal "Dosh". Rencontre avec un homme courageux.
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Texte

Jeune quadragénaire aux cheveux bruns et aux tempes cendrées, Abdulla Duduev mène une vie discrète. Il travaille à Moscou et se rend régulièrement à Grozny où il tient les conférences de rédaction du journal Dosh dont il est l’un des deux rédacteurs en chef, avec Israpil Shavkhalov. Il se sait surveillé et ne correspond qu’en utilisant des messageries cryptées. Son journal, longtemps financé par des membres de l’opposition au pouvoir russe, évite pourtant de parler de politique et d’aborder les sujets sensibles, comme le terrorisme ou les minorités sexuelles.

« La Tchétchénie est gouvernée par un régime autoritaire qui réagit négativement à toute critique », explique Abdulla Duduev, en marge de la réception organisée au ministère de la Justice en décembre 2017 où il a reçu le prix des Droits de l’homme de la République française. Le pays est aussi gangrené par la corruption. « Elle est partout. Tout le monde est au courant, mais on ne peut rien écrire à son sujet car personne n’oserait confirmer de telles informations. D’ailleurs ça n’étonnerait absolument personne. »

Une CHAPE DE DÉSINFORMATION

Dosh est une émanation du Centre d’initiative pour le Caucase, une ONG basée à Moscou et soutenue financièrement par plusieurs donateurs dont le Secours Catholique. Dosh signifie “Mot” en tchétchène. Il est l’arme qu’utilisent Abdulla Duduev et ses collègues depuis 2003, année du lancement du journal, pour réduire la chape de désinformation qui recouvre la presse russe et nord-caucasienne. Il faut pour cela un certain courage et un besoin de vérité.

 Soutenu par plusieurs structures associatives, dont le Secours Catholique, Dosh est plus qu’un journal. Il est la tribune des ONG de défense des droits de l’homme du Caucase Nord qui, en s’associant en 2010, en ont fait le premier journal interassociatif de la région. Il devient un point d’appui aux victimes de violations des droits de l’homme, que ses avocats défendent gratuitement.

Bimestriel en langue russe, il paraît également en anglais deux fois par an. 10 000 personnes le lisent dans ses versions numérique ou papier. Bien que confidentiel, Dosh a l’audace de revendiquer les droits de l’homme dans une région où ils ne sont pas les bienvenus. C’est cette audace que la République française a voulu honorer.

Crédits
Nom(s)
Jacques Duffaut
Fonction(s)
Journaliste
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