Personnes détenues : les oubliés du confinement

Une catégorie de la population est parfois oubliée par le commun des mortels. Elle vit pourtant elle aussi le confinement : il s’agit des personnes détenues. Elles se voient privées de visite et sont, pour certaines, confinées à plusieurs par cellule.
« Les personnes détenues vivent un confinement dans le confinement. Elles sont privées de tout lien avec l’extérieur », témoigne Jocelyne (prénom modifié), aumônière de prison à Marseille. Depuis le début du confinement mardi 17 mars, les activités sont suspendues à l’intérieur des établissements pénitentiaires et les parloirs fermés.
Ainsi, à la maison d’arrêt de Bapaume, dans le Pas-de-Calais, Chantal ne peut plus avoir la visite de son mari rencontré l’an dernier entre les murs de la prison, et sorti depuis. Dans la région parisienne, Georges (prénom modifié) ne peut plus voir sa fille de quatre ans. « Or, les visites des familles sont un facteur d’apaisement et permettent de préparer la réinsertion », explique Jean Caël du département Prison-justice du Secours Catholique.
Georges et Adeline, sa femme, s’appellent tous les jours depuis des cabines téléphoniques situées dans les couloirs. « Georges est conscient qu’il y a une urgence sanitaire, il sait que si on ne peut pas se voir, c’est pour protéger tout le monde », témoigne Adeline.
Les détenus ne comprennent pas pourquoi on les confine car on ne leur a pas expliqué, et ils vivent cela comme une sanction disciplinaire.
Mais pour David (prénom modifié), ancien détenu dans les Hauts-de-France, la situation en prison est tendue actuellement en raison du manque d’informations sur le bien-fondé du confinement. « Une simple note qui annonce la suspension des parloirs a été affichée. Les détenus ne comprennent pas pourquoi on les confine car on ne leur a pas expliqué, et ils vivent cela comme une sanction disciplinaire », estime-t-il.
Même si le ministère de la justice a crédité chaque détenu de 40 € par mois pour appeler sa famille en temps de confinement, pour David, il manque des cabines téléphoniques, « c’est source de frustration. »
S’ajoute à cela le fait que les promenades sont interdites dans certains établissements pour raisons sanitaires et qu’à « deux ou trois dans une cellule de 9 m², les gens pètent les plombs », selon David.
risque de propagation
De fait, une propagation massive du coronavirus en milieu carcéral est redoutée par beaucoup. « Ça sera dramatique », estime Roselyne, bénévole pour le Secours Catholique à la maison d’arrêt de Bapaume.
« Il y a une surpopulation carcérale donc un grand risque de contagion. L’administration pénitentiaire n’a pas les moyens de mettre en cellule individuelle les cas diagnostiqués positifs au virus », renchérit Jean Caël.
« Mon mari craint que les surveillants amènent le virus à l’intérieur car ils n’ont ni masque, ni gel hydroalcoolique », s’insurge Adeline. « J’ai peur pour Georges vu que la prison est un lieu confiné, ça va se répandre vite. Pourtant il faudrait protéger les détenus car ce sont des êtres humains avant tout », poursuit Adeline.
Elle ajoute qu’en raison du confinement, les vêtements sales ne sortent plus de prison : les détenus ne peuvent plus les remettre à leurs proches pour qu’ils soient nettoyés à l’extérieur, et il y a peu de lave-linge en prison.
soutien moral
Le 18 mars dernier le contrôleur général des lieux de privation de liberté a émis des recommandations, demandant des autorisations de mise en contact des personnes détenues avec leur famille par vidéoconférence, et préconisant de réduire la population pénale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil des établissements.
C’est le sens de la décision prise le 25 mars en Conseil des ministres de libérer 5 000 détenus en fin de peine ou ayant eu un comportement exemplaire. « C’est une bonne décision mais pour une mauvaise raison. Cela fait des années que nous demandons ces libérations car la surpopulation aggrave la récidive », explique Jean Caël.
Pour ceux sortis récemment, ils vivent comme une ironie du sort le fait d’être dehors pour « retrouver l’enfermement dans leur lieu de vie », note Roselyne.
Alors, la bénévole les appelle régulièrement pour leur remonter le moral. Quant à ceux toujours entre les murs, Jocelyne, l’aumônière, espère pouvoir écrire aux femmes détenues des Baumettes via le courrier interne : « il est important de maintenir un lien moral, un soutien. » souligne-t-elle.
Le Secours Catholique se mobilise dans le cadre des libérations anticipées
