Pour les autochtones d’Amazonie, tout est lié

Chapô
Sauvegarder la vie sur terre est un défi spirituel. Le relever, c’est accepter de voir les liens de dépendance qui nous unissent à la nature. Les peuples autochtones d’Amazonie nous ouvrent la voie de cette conversion du regard.
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Forêt amazonienne

« Une nuit, dans une communauté apurinã, au nord-ouest de l’Amazonie brésilienne, quelques hommes partent chasser. Une fête a lieu le lendemain », raconte João Gutemberg, secrétaire général du Réseau ecclésial pan-amazonien, qui promeut les droits et la dignité des personnes en Amazonie (1). « Ils reviennent avec neuf bêtes : sept cochons sauvages et deux tapirs. Ils racontent avoir vu une trentaine de cochons sauvages.

- Pourquoi n’en avez-vous tué que sept ?, demande un villageois.

- Parce qu’aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de plus de gibier, répond un chasseur. Ces animaux vont continuer à grandir, à se reproduire. Quand nous en aurons besoin, ils seront encore là et nous retournerons chasser. »

João Gutemberg a assisté à la scène. Selon lui, ce sens des limites illustre parfaitement les liens d’interdépendance qu’entretiennent les peuples amérindiens avec leur environnement. « Des chasseurs avec une mentalité consumériste auraient tout pris. » Comme le pape François dans l’encyclique Laudato si’, João Gutemberg considère que la crise environnementale et sociale en cours est causée par une manière prédatrice de considérer la nature.

Si nous abîmons notre sœur la terre, nous abîmons une partie de nous-mêmes.
Santiago Manuin, indigène awajun (Pérou)

 
« La société occidentale perçoit la forêt, les animaux, la nature en général, comme un marché dont elle peut tirer profit », regrette lui aussi Santiago Manuin, un indigène awajun qui vit dans la partie péruvienne de l’Amazonie.

Membre du Conseil permanent du peuple awajun, il travaille pour le Saipe (service agricole pour la recherche et le développement économique), un partenaire du Secours Catholique. « Pour nous, la forêt, la rivière, les animaux sont des sujets de droit et pas des objets. Nous considérons que si nous abîmons notre sœur la terre, nous abîmons une partie de nous-mêmes. »

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Au contact des peuples indigènes, João Gutemberg a approfondi cette manière de se relier : « Les Amérindiens ont conscience que les réalités qui nous entourent nous précèdent et qu’elles nous survivront. Ils voient la connexion entre le culturel et le spirituel. Entre le passé, le présent, le futur et l’au-delà. » Prendre soin des animaux, de la terre, de l’air, de l’eau des rivières, c’est chercher à assurer des conditions de vie dignes pour soi, les siens et les générations futures.  

Intégrer cette manière de voir à sa foi chrétienne « a changé beaucoup de choses » assure João Gutemberg. « Il y a plusieurs manières de concevoir Dieu. Ce peut être un Dieu de mort ou un Dieu méchant. Mais nous pouvons approfondir notre conscience en nous connectant toujours plus au Dieu de la vie. Cela fait complètement partie de la doctrine chrétienne. ‘Je suis le chemin, la vérité et la vie’, dit Jésus. ‘Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance.’ »

* Caritas Internationalis est membre fondateur du Réseau ecclésial pan-amazonien.

Crédits
Nom(s)
Aurore Chaillou
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Élodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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