Une double punition pour les victimes de traite

Chapô
Jeunes, souvent originaires de l’est ou du sud de l'Europe, sous l’emprise de vastes réseaux ou de petits clans qui les contraignent à commettre des délits, ils ont tôt ou tard à faire avec la justice qui les punit. Une double punition, explique Geneviève Colas, coordinatrice du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », à l’occasion de la Journée mondiale de la dignité des victimes de la traite des êtres humains.
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Entretien avec Geneviève Colas, coordinatrice du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains ».Geneviève Colas, coordinatrice du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains ».

 

Secours Catholique : Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », coordonné par le Secours Catholique - Caritas France, attire l’attention sur le fait que les auteurs de délits commis sous la contrainte doivent être reconnus, partout dans le monde, comme des victimes et non plus comme des délinquants. La France ne s’est-elle pas engagée à faire cette distinction ?

Geneviève Colas : En effet, la France en ratifiant des conventions contre le crime et la traite des êtres humains s’est engagée auprès des Nations unies à ne pas réprimer les personnes victimes de traite contraintes à commettre des délits. Mais elle n’a pas traduit cet engagement en loi, et cela ne se réalise pas toujours en actes.

Nos partenaires de l’association Hors-la-rue ont pu vérifier qu’il y a des victimes de traite dans les prisons où ils entrent, en région parisienne. Ils y ont même vu des jeunes filles exploitées enfermées avec celles qui les exploitaient. Ce qui est inacceptable quand on sait les traumatismes endurés par les victimes qui, du fait de l’enfermement, sont doublement victimes.

Celles-ci craignent les représailles des trafiquants. Elles se retrouvent dans des situations où elles ne bénéficient d’aucune protection, aucune assistance et même aucune justice. Pourtant, les textes internationaux signés par la France devraient l’inciter à respecter le principe de ne pas punir les victimes de traite mais de leur venir en aide, d’abord en les soustrayant à toute emprise puis en les aidant à se reconstruire, physiquement et moralement.


S.C. : En France, quelles sont les populations concernées par ces sanctions ?

G.C. : Je pense essentiellement aux enfants, de très jeunes à presqu’adultes, utilisés dans des vols, des cambriolages, le trafic de stupéfiants ou des activités violentes liées à des conflits. Ces mineurs devraient obtenir la protection des structures sociale, juridique, éducative, médicale. Or, on les retrouve parfois en détention.

On en connait des dizaines mais ils sont sûrement plus nombreux car mal identifiés dans différentes villes de France. Étrangers pour la plupart. Entièrement dépendants de leurs exploiteurs, ils ne peuvent les trahir sans obtenir une solide protection. Or cette protection est bien trop faible actuellement pour tirer ces mineurs de leur emprise.


S.C. : En quoi consisterait une solide protection ?

G.C; : Rompre les liens entre l’exploiteur et l’exploité n’est pas toujours facile. Notamment quand les deux appartiennent au même clan ou à la même famille. Il faut des lieux d’accueil qui assure une protection contre toutes représailles et en même temps une prise en charge totale de ces jeunes victimes.

L’association Koutcha monte actuellement un accueil spécifique pour elles. Le Secours Catholique soutient ce projet qui, dès le mois d’octobre, accueillera les victimes de toutes sortes de traite (exploitation sexuelle, travail forcé, contrainte à commettre des délits…).

Ce projet pilote devrait, je l’espère, encourager le gouvernement à multiplier ces accueils et montrer aux victimes de traite que l’État français s’engage à les protéger.

Dans le même temps, il faut former du personnel rapidement mobilisable qui aidera ces mineurs, après leur passage à Koutcha, à ensuite s’intégrer.

Il faut enfin renforcer les enquêtes systématiques visant à rechercher et arrêter les véritables responsables des délits, ceux qui obligent les mineurs à des actes de délinquance. Ce sont eux les véritables responsables. S’ils ne sont pas inquiétés, les trafics se poursuivront et le nombre de victimes de traite ne cessera d’augmenter.
 

Un guide pour mieux accompagner les mineurs victimes de la traite

Crédits
Nom(s)
Jacques Duffaut
Fonction(s)
Journaliste rédacteur
Nom(s)
Gaël Kerbaol
Fonction(s)
Photographe
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