Ce matin, c’est la sortie accrobranche, vertige assuré pour les parents et leurs enfants. « J’adore grimper dans les arbres. Les vacances, ça change les idées », se réjouit Lydia,13 ans. « Toute l’année on vit dans le stress, à 100 à l’heure, alors on profite de ces vacances pour se déconnecter et oublier les soucis, renchérit Ouria, sa maman. Je suis très heureuse de découvrir les Vosges, tout cela est nouveau pour moi ! » Pour la plupart des huit familles présentes, partir l’été loin de chez elles, en vacances, constitue une première fois.
Le trampoline du gîte est très apprécié. « On vit dans un autre monde quand on est en vacances », réalise Emma, 10 ans (à droite sur la photo). « Ces vacances permettent de faire plein de nouvelles rencontres », ajoute Chaïnez, 16 ans. « On vit du partage et des échanges tous ensemble », estime Hocine, son père, qui confie qu’il part pour la première fois depuis le décès de sa femme, l’an passé, et les restrictions liées au coronavirus. Pendant les dix jours que durent les vacances, les familles sont logées dans un gîte et les scouts campent à côté. Un cuisinier prépare les repas afin de permettre aux parents de souffler.
Cet après-midi, tous partent découvrir, en Alsace voisine, un parc qui accueille des singes. La veille, les familles ont visité la Volerie des aigles, ainsi que le château du Haut-Kœnigsbourg. « Even a adoré les singes en liberté, et Enzo a pu porter un rapace sur son bras, c’était un moment magique ! Ça me fait partager de bons moments avec mes enfants », se réjouit Valérie, leur maman. Celle-ci a économisé toute l’année pour pouvoir fournir les 240 euros nécessaires pour elle et ses trois enfants. Les familles, en effet, participent financièrement. Le reste est pris en charge par le Secours Catholique et l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV).
Chaque soir, Raphaël rassemble les familles pour préparer la journée du lendemain. Ouria est déjà venue en vacances à Clefcy l’année précédente. Alors cette fois, elle peut contribuer à l’organisation, notamment en rassurant les nouveaux participants au séjour qui restent un peu en retrait. « On est comme une famille ! dit-elle. J’ai pris soin d’aller vers les uns et les autres. »
Les vacances sont un droit pour tous, y compris pour les plus précaires d’entre nous. Les mères de famille nous le disent : ne pas préparer de repas pendant dix jours leur permet de souffler. Les familles font aussi des découvertes (visites touristiques, promenades, activités sportives). Autant de souvenirs à raconter à la rentrée scolaire pour les enfants. En étant partis, ils ont ainsi l’impression d’être comme tout le monde.
Le choix de vacances collectives n’est pas anodin : le groupe transforme les personnes. Elles retrouvent dignité et confiance en elles à travers le regard des autres, confiance en leur capacité à faire et à exister, notamment en tant que parents. J’ai en tête l’exemple d’un père qui a réajusté sa relation avec ses enfants en observant les autres familles. Les vacances transforment le cercle familial intime : les parents gagnent en estime et en dignité auprès de leurs enfants qui les voient capables de les emmener en vacances, et non plus seulement au chômage, au RSA ou sans papiers.
Le groupe permet aussi de développer de nouvelles relations. Toutes les familles repartent avec de nouveaux numéros de téléphone dans leurs répertoires. L’an dernier, sur les trois séjours organisés, 17 enfants se sont par ailleurs inscrits aux Scouts de Marseille après avoir passé dix jours avec des scouts. Ce qui est une source d’intégration dans le quartier.
Les vacances transcendent également les scouts eux-mêmes, qui passent de vraies vacances avec des personnes venant d’un univers différent. C’est pour eux aussi l’occasion de se découvrir. Enfin, elles donnent aux familles l’envie de partir seules les années suivantes, avec un soutien financier, et c’est une réussite pour nous.
