Comment la fracture numérique renforce les inégalités sociales ?
Accéder à Internet nous est utile au quotidien pour faire des démarches administratives, s’informer, suivre des cours en ligne, rechercher un emploi et maintenir le lien social. Le numérique est partout, c'est pourquoi ceux qui en sont privés se retrouvent aussitôt exclus. Laurence, ancienne cheffe de projet informatique, anime aujourd’hui bénévolement des ateliers numériques pour le Secours Catholique près de Grenoble. Elle souligne : « Le numérique facilite la vie de beaucoup, mais pour celles et ceux qui ne sont pas à l’aise, il devient un obstacle supplémentaire. La plupart des démarches administratives se font désormais en ligne, tout comme des tâches du quotidien, acheter un billet de train, consulter les horaires de bus… Ces actions exigent souvent la création d’un compte et la gestion de mots de passe. Face à cela, beaucoup de personnes se sentent rapidement perdues. »
C’est la situation désignée par le terme fracture numérique. Elle crée diverses disparités liées à son accès, à son coût, aux usages et aux compétences nécessaires. Conscient de cet enjeu, le Secours Catholique s’engage activement pour lutter contre la fracture numérique et réduire les inégalités qu’elle engendre.
Les fractures numériques au-delà de l’accès
La difficulté d'accès à du matériel informatique est un des facteurs qui provoque la fracture. Certaines zones rurales isolées du pays se retrouvent privées d’une couverture réseau correcte. À cela, s’ajoute le coût élevé des ordinateurs, des smartphones ou des abonnements, qui prive encore une partie de la population d’un accès stable et continu à Internet.
Mais même lorsqu’un foyer dispose d’une connexion, les inégalités persistent. En effet, la fracture est également liée à l’usage du numérique. Beaucoup se heurtent à l’illectronisme, c’est-à-dire la difficulté (voire l’incapacité) à utiliser les TIC (technologies de l’information et de la communication) et Internet. Ce qui peut nous sembler des manipulations simples, sont difficiles pour certaines populations d’utilisateurs. Se servir d’un appareil, se connecter à un compte, faire une recherche d’information ou consulter une page Internet de façon efficiente sont des difficultés réelles.
Pour ces utilisateurs, il y a généralement une peur de se tromper et un manque de confiance en soi face à ces outils. Armand a 74 ans. Ancien commerçant, il vit seul et cumule les problèmes de santé. Il a reçu les bénévoles du Secours Catholique chez lui à quatre reprises. « Carte de handicapé, déclaration d’impôt, Complémentaire santé solidaire… J’ai peur de remplir des dossiers et de faire des erreurs : l’écriture ce n’est pas mon fort… », confie-t-il.
Que faire quand on ignore comment se connecter à son compte ou comprendre les formulaires en ligne à remplir ? Dans la collection de trois épisodes de Parcours par le Secours Catholique, des personnes en situation de précarité racontent cette perte d’autonomie et la difficulté à suivre l’évolution des technologies.
« Il faut commencer par expliquer les bases : ce qu’est une icône, un bureau, une tâche, un dossier, un navigateur, un moteur de recherche, une application ou encore une URL », témoigne Jonathan, 26 ans, bénévole dans l’atelier numérique du Secours Catholique de Bourg-en-Bresse (Ain). « Tous ces mots sont souvent inconnus des participants. Beaucoup peinent déjà à se repérer sur un écran. Et certains ne savent même pas allumer un ordinateur… » Il ajoute : « Moi, je suis né avec l’informatique, donc tout cela me paraît évident. Comme je m’en sors plutôt bien, j’ai voulu mettre mes compétences au service de ceux qui ne sont pas à l’aise. Aujourd’hui, savoir utiliser un ordinateur est devenu indispensable au quotidien. »
Il ne suffit plus d’accéder à l’information, encore faut-il pouvoir la comprendre et lui donner du sens. Le numérique pour tous fait aussi face aux différences culturelles qui influencent la manière dont l’information est perçue et utilisée. Ce qui est considéré comme utile ou fiable dans un cadre peut sembler secondaire (voire inutile) dans un autre.
Les visages de la fracture numérique : qui sont les plus vulnérables ?
Les seniors sont les plus impactés par la fracture numérique. Les plus de 60 ou 70 ans utilisent beaucoup moins Internet, les ordinateurs ou smartphones, généralement par manque d’habitude avec les outils.
Pour les ménages à faibles revenus, c’est la barrière financière (coût des ordinateurs et des abonnements) qui limite leur accès au numérique. Dominique, accompagné par le Secours Catholique. Elle participe à un atelier numérique avec un ordinateur prêté par l'association. Sa retraite modeste ne lui rapporte que quelques centaines d’euros chaque mois. « Pour l’instant on n’a pas d’ordinateur car c’est trop cher. Pourtant, ce serait pratique pour stocker mes documents, les imprimer, chercher du travail… avoir plus d’indépendance ! témoigne Dominique, qui souhaite retrouver un emploi. L’informatique, il faut le populariser ! »
Parmi les plus vulnérables, il y a également les personnes peu ou pas diplômés. Moins exposées à l’accès du numérique, elles rencontrent des difficultés dans l’usage. C’est le cas de Bernard, qui participe à un atelier numérique du Secours Catholique près de Grenoble pour devenir autonome : « J’aimerais pouvoir répondre à certains messages, mais je ne sais pas comment m’y prendre. En dehors de ma truelle et de ma taloche, je n’y connais absolument rien ! », admet cet ancien maçon de 61 ans.
Les habitants des zones rurales ont souvent accès à des réseaux à la couverture insuffisante ou de mauvaise qualité. D’autres groupes restent fragilisés, comme les personnes en situation de handicap, les femmes en situation de précarité, les personnes seules et les minorités, pour qui l’exclusion numérique s’ajoute à d’autres formes d’inégalités.
Les conséquences de la fracture numérique
Internet est indispensable pour accéder aux services publics et de santé en ligne. Réaliser ses démarches auprès de la CAF ou de la CPAM, prendre un rendez-vous médical en téléconsultation ou rechercher un emploi nécessitent une connexion. Les individus non connectés doivent alors dépendre d’une aide extérieure.
Dans le domaine de l’éducation, de nombreuses ressources et de modules sont rendus accessibles en ligne. Les élèves et étudiants sans accès aux outils numériques se trouvent alors désavantagés, avec un impact direct sur leur réussite scolaire. De même, les chercheurs d’emploi ou de formation professionnelle sans accès aux outils peinent à identifier et à exploiter les opportunités disponibles.
Tout cela contribue à une exclusion sociale. Les personnes concernées se sentent isolées dans une société de plus en plus connectée. Le numérique est le moyen de maintenir le lien avec leur famille ou leurs amis.
La fracture numérique amplifie les inégalités déjà présentes en matière d’éducation, de formation, d’emploi et de revenus. Les plus vulnérables se retrouvent ainsi doublement pénalisés.
Lutter contre la fracture numérique aux côtés du Secours Catholique
Pour le Secours Catholique, la fracture numérique est avant tout une fracture sociale. La combattre, c’est défendre la dignité et l’inclusion de chacun. L’association agit pour que tous aient accès à des outils numériques et une connexion Internet.
Des bénévoles sont mobilisés durant des permanences mobiles numériques pour aller à la rencontre des individus les plus éloignés du numérique. L’objectif est de leur offrir un accès à des ordinateurs, les initier aux compétences informatiques de base : on y apprend à allumer un ordinateur, à créer une adresse mail ou à remplir un formulaire en ligne. C’est un premier pas vers l’autonomie.
Avec les formations et les ateliers d’initiation, le Secours Catholique aide les personnes dans le besoin à surmonter la peur et les obstacles face au passage au numérique. Les adultes et les enfants sont également sensibilisés aux dangers d’Internet comme les fake news, le cyberharcèlement ou le piratage. L’apprentissage est progressif et vise à rendre chaque participant plus autonome et plus confiant dans leur utilisation d’Internet.
La fracture numérique est profondément liée aux inégalités sociales déjà existantes. Le Secours Catholique agit chaque jour pour en réduire l’impact, en accompagnant les plus fragiles dans leur passage au tout numérique. Mais ce combat ne peut être gagné qu’ensemble. Chacun peut contribuer à bâtir une société plus solidaire, où le numérique rapproche au lieu d’exclure. Vous pouvez aussi agir en devenant bénévole pour le Secours Catholique.