
Hôtel social : un sursis pour les sans-logis
Face à la crise du logement qui s’aggrave, l’État recourt aux hôtels sociaux pour héberger en urgence les personnes en grande précarité. Pourtant, cette solution d’urgence expose des milliers de familles à des conditions de vie indignes. Ce sont 2,7 millions de ménages en attente d’un logement social et 19 000 expulsions sans aucune solution de relogement durable. Des chiffres alarmants du rapport du mal-logement en France en 2024. Le Secours Catholique alerte et agit pour un changement durable.
Qu’est-ce qu’un hôtel social ?
Un hôtel social, ou résidence hôtelière à vocation sociale, est une structure d’hébergement qui accueille des personnes à faibles revenus ou en situation de difficulté sociale. Ces établissements proposent des logements meublés, équipés et à un coût modéré.
Les bénéficiaires de l’hôtel social peuvent occuper un logement de manière temporaire. Mais cette solution d’hébergement d’urgence censée être transitoire se prolonge parfois de façon permanente, faute de perspectives de relogement.
Dans l’enquête sur l’hébergement d’urgence, Franck, résident d’un hôtel social depuis 4 ans, nous livre : « Le privé coûte trop cher. Et ma demande de logement social n’aboutit pas. Résultat : je suis coincé ici, dans du “temporaire définitif”. » Une situation partagée par de nombreuses personnes exclues du logement traditionnel.
Qui sont les personnes concernées par l’hôtel social ?

Les personnes seules ou les familles aux revenus très faibles, pour lesquelles le logement classique reste inaccessible, peuvent bénéficier d’un logement en hôtel social.
Ce type d’hébergement s’adresse de manière générale aux personnes les plus vulnérables :
- les personnes en difficulté, temporairement privées de logement suite à des événements particuliers (les violences conjugales, les expulsions, les ruptures familiales, etc.)
- les personnes sans domicile fixe,
- les réfugiés,
- les individus ou familles qui ne peuvent accéder à un logement du fait de leur situation économique et sociale.
D’après une de nos enquêtes Secours Catholique, 89 % des personnes hébergées à l’hôtel en Île-de-France sont des familles.
Certaines y séjournent dans le cadre d’une démarche de réinsertion sociale, d’autres s’y retrouvent faute d’alternative. L’hôtel social est une solution d’aide aux sans-abris et aux personnes vulnérables, en offrant un toit à ceux que la précarité exclut du logement de droit commun.
En échange de cet hébergement à prix modéré, les occupants versent une participation mensuelle symbolique, calculée comme une redevance de loyer. Ce montant varie selon les situations, et peut être partiellement couvert par des aides (allocations logement).
Comment fonctionne un hôtel social ?
L’ouverture d’un hôtel social doit faire l’objet d’un agrément délivré par le préfet du département. Cet agrément engage la structure à réserver au moins 30 % de ses logements à des personnes en situation de précarité.
Un hôtel social doit respecter certaines normes : les logements proposés sont meublés, autonomes, homogènes, et d’une surface minimum de 14 m² avec un espace cuisine équipée. Dans ce type de structure, les bénéficiaires sont considérés comme autonomes. Aucun accompagnement social n’est prévu.
Pour vivre à l’hôtel social, les occupants ont la possibilité d’y séjourner à la nuitée, à la semaine ou au mois. Pourtant, de nombreux témoignages de notre enquête sur l’hébergement d’urgence montrent une réalité bien différente.

Hélène, mère célibataire, et son fils de 5 ans vivent depuis 6 ans avec dans une chambre d’hôtel du 11ᵉ arrondissement de Paris. Elle nous raconte un quotidien marqué par la promiscuité : « Je dois m’habiller devant mon enfant, il n’y a aucune intimité. Et l’hôtelier entre quand il veut. On ne se sent pas chez soi, on survit. » Un cadre de vie indigne, loin de la stabilité promise par l’hébergement social.
Comment accéder à un hôtel social ?
Une demande d’hébergement doit être déposée auprès d’un travailleur social, d’un centre communal d’action sociale (CCAS) ou d’un organisme d’aide local. Ces structures vont évaluer la situation de la personne ou de la famille en difficulté et transmettre le dossier au SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation).
Le SIAO centralise les demandes au niveau départemental et les soumet à une commission Hébergement de la communauté locale. Les priorités sont évaluées et les bénéficiaires sont orientés vers les structures disponibles (structure d’hébergement, logement de transition, logement social).
Dans certains cas, il est possible de faire une demande directement auprès d’un hôtel social. C’est au gérant de l’établissement d’évaluer alors la situation et décider d’accueillir un nouveau résident, en lançant les démarches administratives.
Dans son témoignage, Justine nous raconte l’enfer de l’hôtel. Arrivée du Cameroun en 2015, elle a été hébergée un temps chez une amie avant qu’une grossesse ne bouleverse sa situation. Orientée par le 115, elle enchaîne quatre hôtels sociaux. Ce qui la pèse le plus, c’est l’instabilité : « Le plus dur, c’est de changer tout le temps de maison, surtout pour lui, à chaque fois il doit se refaire des copains. » Cette mère célibataire essaie malgré tout de rendre les lieux plus chaleureux : « Je tente de décorer pour faire comme chez moi ». Et elle ajoute : « ils disent toujours que l’hôtel est une maison de passage, mais ça dure des années. Ce n’est plus une case de passage, ça devient un chez-soi ».
Plus de la moitié (53 %) des personnes hébergées sont des enfants. Une situation qui les fragilise !
La place de l’hôtel social dans le paysage de l’hébergement d’urgence et social
L’hébergement en hôtel social est une solution temporaire pour des personnes en grande précarité, en attente d’un logement ou d’une structure adaptée (chrs, foyer de réinsertion). Il permet de répondre à l’urgence en offrant un toit rapidement, mais reste insuffisant pour accompagner efficacement les plus démunis.

Aujourd’hui, le système actuel de l’hôtellerie sociale révèle des limites : nombres de places insuffisantes, structures d’hébergement saturées, logements avec parfois des conditions d’hygiène douteuses. En l’absence de solutions de relogement, le recours à l’hôtel privé comme hébergement est fréquent. Une solution bien trop coûteuse et peu adaptée à un séjour prolongé pour les personnes et les familles dans le besoin.
Le rôle et l’engagement du Secours Catholique auprès des personnes en situation de précarité
L’association alerte sur le recours massif aux nuitées hôtelières, qu’elle juge comme une réponse d’urgence au logement social insuffisante, qui entretient la précarité et l’exclusion. Dans cette optique, le Secours Catholique plaide pour une régularisation des personnes vivant dans ce type d’hébergement depuis longtemps, afin de leur permettre un accès au logement dans une logique de « logement d’abord ».
Le Secours Catholique s’engage auprès de ces personnes hébergées, souvent sans accompagnement. Par exemple, des permanences dédiées au logement social à Meaux sont régulièrement organisées. De nombreux bénévoles aident ces personnes en difficulté dans leurs démarches DALO (Droit au Logement Opposable), à faire valoir leur droit et les soutiennent moralement au quotidien.
Aux côtés de nombreuses associations, le Secours Catholique a également engagé une action en justice contre l’État pour non-respect du droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence et le manquement à l’obligation de reloger les bénéficiaires du DALO.
C’est près de 100 000 ménages reconnus prioritaires DALO attendent toujours un logement.
Pour offrir un toit digne à toutes et tous, chacun peut agir. Soutenez nos actions face au mal-logement et participez à la construction d’un avenir plus juste et solidaire !