Alimentation durable : « s’inspirer de ce que font les autres »

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Confronter nos réalités sur un sujet commun, et s'inspirer de ce que fait l'autre. C'est dans ce but que le Secours catholique organise régulièrement des « rencontres apprenantes » avec ses partenaires internationaux. En avril, deux militantes brésiliennes, promotrices d'une alimentation durable accessible à tous, ont ainsi sillonné le sud et l'est de la France à la découverte de nombreuses initiatives locales.
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Il est 10h, c’est l’heure de la répartition des tâches aux Petites cantines Perrache, un restaurant participatif situé à deux pas de la place Carnot, dans le deuxième arrondissement de Lyon. « Qui va chercher les invendus tout à l’heure à la Vie Claire ? », « qui va au compost ? », « qui s’occupe du bar ? », « qui se met en cuisine ? » Manon Berthet, la responsable du lieu, attribue les missions à la dizaine de bénévoles assis autour de la table. 

Une trentaine de « convives » est attendue dans deux heures pour le déjeuner. Nicolas, 67 ans, fait partie des « clients » réguliers. Il vient trois fois par semaine. Ce retraité sous curatelle vit avec 150 euros par semaine dans un studio de 25 m2. « Un repas équilibré, avec des produits durables comme ceux qu’on trouve ici, chez moi, je ne peux pas. C’est trop cher. Et puis, j’ai juste deux plaques, à côté de mon évier, c’est compliqué de préparer de bons plats », témoigne cet ancien cuisinier qui accorde beaucoup d’importance à son alimentation. Grâce au principe du prix libre, au Petites cantines, il peut manger sainement pour deux euros. Tout à l’heure, il y aura d’autres personnes dans son cas, dit-il, mais aussi des salariés du quartier qui viennent sur leur pause déjeuner, ou des convives plus militants qui souhaitent soutenir l’initiative. 

Brésil

Ce mardi matin, Nicolas donne un coup de main en cuisine. Il aime bien, « surtout pour l’ambiance, on rigole beaucoup ». Et puis, c’est facile, ce n’est pas loin de chez lui, à quelques rues. À ses côtés, en train d’éplucher des légumes, Adriana et Adailma ont, elles, parcouru un peu plus de 7000 km pour venir jusqu’ici. Ces deux Brésiliennes sont en France depuis une semaine dans le cadre de « rencontres apprenantes » organisées par le Secours Catholique, partenaire de leurs associations. Adailma Ezequiel, 34 ans, est agricultrice et membre d’un réseau de syndicats conseillé par l’ONG AS-PTA qui travaille sur l’agriculture familiale et l'agroécologie. Adriana Galvão Freire, 56 ans, est salariée d’AS-PTA. Le but de leur venue est de découvrir différentes actions qui visent l’accès de tous à une alimentation saine et durable. Durant ces quelques jours, sillonnant le sud et l'est de la France (Gard, Drôme, Ardèche, Ariège, Hérault, Rhône), Adriana et Adailma se sont rendues dans des exploitations agricoles du réseau Civam et des Jardins de Cocagne, avec qui collabore le Secours Catholique. Elles ont également visité une épicerie solidaire et une caisse locale de l’alimentation, et découvert des projets de paniers solidaires et de groupement d’achat.
 

Petites cantines Perrache
Nicolas : « Un repas équilibré, avec des produits durables comme ceux qu’on trouve ici, chez moi, je ne peux pas. C’est trop cher. »

À Lyon, le choix des Petites cantines n’est pas anodin. « On voulait leur faire découvrir cet endroit où se vit aussi bien la découverte culinaire que le la création de lien social », explique Sonya Farès, bénévole au Secours catholique du Rhône, impliquée dans la question de l’accès digne à l’alimentation. Un lieu ouvert et accueillant qui « réintroduit dans la normalité, des personnes qui peuvent se sentir marginalisées, poursuit-elle. Car inviter, cuisiner, bien manger… Toutes ces choses que celles et ceux qui n’ont pas de difficultés vivent normalement chez eux, lorsque tu te retrouves en précarité, ce n’est plus possible. » Mère seule et allocataire du RSA, Sonya parle en connaissance de cause.

Adriana apprécie l’initiative. Elle perçoit la solidarité qui s’y joue, la dignité avec laquelle les personnes sont reçues, et le sentiment d’appartenance que crée un tel accueil comme la possibilité de participer. « Grâce à l’alimentation, se construit ici la citoyenneté », observe-t-elle. Cette expérience aux Petites cantines, comme ce qu’elle et Adailma ont pu voir tout au long de la semaine, sont autant de sources d’inspiration. « Aujourd’hui, au Brésil, nous travaillons surtout à permettre à des paysans pauvres de se nourrir et de vivre de leur production en recherchant des débouchés, explique la militante. Mais nous sommes en train de réfléchir à comment accompagner les consommateurs les plus vulnérables pour qu’ils puissent accéder à une alimentation saine et durable. »

Petites cantines Perrache
Adriana (pull noir) et Adailma.

Pour le Secours catholique, en France, c’est l’inverse. « Nous agissons principalement côté consommateur, pour que bien manger ne soit pas un luxe, indique Walter Prysthon, chargé de projets internationaux au Secours catholique. Et nous avons peu développé le rapport aux producteurs. » Le défi commun est de tisser des liens de solidarité entre ville et campagne, consommateurs et agriculteurs. « Comment faire dialoguer ces deux mondes pour imaginer un système alimentaire plus juste et durable », résume Walter. 

Mieux comprendre

« L’intérêt de ces échanges internationaux est de pouvoir s’inspirer de ce que font les autres pour améliorer nos propres actions », explique Isabel Esquerdo, chargée, au Secours catholique, d’animer la solidarité internationale autour des questions d’alimentation. Lors des rencontres organisées avec des acteurs du Secours catholique ou des partenaires locaux de l’association, comme le réseau Civam, les témoignages d’Adriana et d’Adailma sur les initiatives menées par leurs organisations au Brésil ont marqué l’auditoire. « Forcément, cela interroge sur ce qu’on ne fait pas chez nous, et sur ce qu’on pourrait faire », commente Isabel. 

« Au Brésil, il y a un imaginaire qui n’est pas le même, mais une réalité qui est semblable à la nôtre, donc c’est intéressant d’échanger car finalement on parle des mêmes choses, estime Elise Drouet, responsable du pôle Animation et Campagnes Internationales, au Secours catholique. Et faire venir des gens de loin peut permettre de mieux comprendre un contexte local. »

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Crédits
Nom(s)
Benjamin Sèze.
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Vincent Boisot
Fonction(s)
Photographe
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