Déjeuner de fête à la Pause Café d’Amiens
Alors que le marché de Noël et la grande roue ont pris leurs quartiers dans le centre-ville d’Amiens, la Pause Café du Secours Catholique, qui accueille tous les après-midis pour une collation et un moment fraternel des personnes seules ou en situation de grande précarité, se mue en déjeuner de fête.
Deux grandes tables ont été installées, parées de nappes et de guirlandes. Dans la cuisine attenante, les bénévoles se tiennent prêts pour le service. « Il y a un coup de main à donner ? », s’enquiert Frédéric. « Les tables sont dressées, on a coupé le fromage… », énumère Marie-Céline, à la coordination. À 11 heures, les plats traiteur arrivent. L’opération réchauffage du gratin dauphinois et du poulet en sauce démarre. À 11h35, les premiers convives attendent déjà derrière la porte. « Ce repas de Noël leur fait bien plaisir, commente Daniel, bénévole depuis dix ans. Ils mangent bien, discutent bien. Beaucoup nous demandent de les y inscrire dès le mois de septembre. »
Pour beaucoup d’entre nous, on ne voit plus notre famille, alors Noël remue des choses…
À midi, une trentaine d’hommes et de femmes, de tous âges, saluent les bénévoles et prennent place. Beaucoup se connaissent bien, pour fréquenter les différents lieux solidaires de la ville. Tout le monde trinque : au pétillant, au vin ou à la bière, tous sans alcool. « On est des amis de la rue ! », sourit Dominique, qui confie avoir un logement depuis quelques semaines seulement, après 18 mois passés dans un wagon désaffecté. « C’est la mer qui vient à vous ! », annonce Daniel, proposant les entrées aux crevettes et au saumon. En face de Dominique, Rudy dévore tout avec grand appétit, le bonnet encore sur la tête.
« Noël, c’est une période tristoune », reconnaît Jean-Baptiste, qui vit dans un squat. « Même s’il y a plus de bienveillance des gens à notre égard. Mais pour beaucoup d’entre nous, on ne voit plus notre famille, alors Noël remue des choses… » Pour Marie-Claude, en traitement pour un cancer, les retrouvailles familiales ne sont pas d’actualité. « Comme je ne vois jamais mes enfants et petits-enfants, je fais des puzzles à partir de leurs photos. Ça me fait un souvenir, et je les accroche au mur. » Karine, cheveux longs noués en une demie-queue et yeux clairs, confie aussi que « c’est dur en ce moment ». Hébergée « à droite, à gauche », elle ne croise ses deux plus jeunes enfants placés qu'une heure par semaine. « Je les vois le 23 décembre, je leur donnerai leurs cadeaux. Ce n'est pas facile, mais je n’ai pas le choix. »
« Qui reprend des pommes de terre ? », lance Frédéric à la cantonade, un grand plat à gratin dans les mains. Les candidats ne manquent pas. Après le fromage, une part de bûche au chocolat est servie. Un peu à l’écart et silencieux, Yaya, 28 ans, Guinéen d’origine, boit son café. « Des moments comme ceux-là sont importants. Je suis au chaud, ça m’éloigne un peu de la rue. Je réfléchis, mon esprit vagabonde… », témoigne le jeune homme qui dort dehors, près d’un gymnase, depuis un peu plus d’un mois.
Vers 14h30, la salle s’est vidée. Suzette ferme le tupperware rempli de restes pour son chien. Anne-Françoise, la petite soixantaine, s’en va aussi. Hébergée en foyer, elle passera le réveillon au repas des séniors proposé dans son quartier, « pour me souvenir de ce que j’aurai fait à Noël cette année », dit-elle. D’autres, comme Karine et Jérôme, se retrouveront pour le repas offert par la paroisse voisine. « À demain ! », lance Michel, enfonçant son bonnet sur son crâne dégarni, après avoir aidé à balayer. Pendant les fêtes, pas de trêve pour la Pause Café qui reste ouverte tous les après-midis.