Le “30”, un sas entre la prison et la liberté

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En cette semaine des Journées nationales prison, reportage au “30”, à Strasbourg. Dans ce lieu de vie, des hommes terminent leur peine de prison en dehors des murs. Ce sas entre la prison et la liberté, fondé par Caritas Alsace, leur permet de reprendre leur vie en main.
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« Après une sortie sèche ? J’aurais recommencé mes conneries. » Mickaël, 38 ans, se présente comme un « dealer international ». La sortie sèche, c’est une sortie de prison sans préparation à la vie d’après. Installé dans la cour du “30”, une bâtisse couleur crème, Mickaël observe Mathieu (1), 41 ans, qui dispute une partie d’échecs avec Alain, un bénévole leur rendant régulièrement visite. Mickaël et Mathieu séjournent actuellement au 30 : ils terminent ici leur peine de prison. Les résidents y restent en moyenne six à sept mois avant leur libération. Situé dans un beau quartier de Strasbourg, le 30 est « une maison à caractère familial », aime dire Bernard Rollin, travailleur social en charge du lieu. L’objectif ? « Offrir un sas pour permettre aux personnes de retrouver leur place dans la société », résume Bernard.

Partie d'échecs au "30"
Christophe (à droite), résident du "30", en pleine partie d'échecs avec un bénévole.

À l’étage, les chambres. La maison accueille jusqu’à huit résidents. Chacun a sa clé. Au rez-de-chaussée : la cuisine, la salle à manger, le bureau de Bernard et celui d’Ana-Paula Vidal, psychologue. Chaque résident doit la voir à son arrivée. Les rendez-vous s’adaptent ensuite aux besoins de chacun. La psychologue aide notamment les résidents « à repérer quand ils ont besoin d’aide ». Elle aide certains à surmonter leurs addictions.

 créer d'autres types de liens.


Mathieu, le joueur d’échecs, est arrivé il y a à peine dix jours. Il a passé sept ans en prison. « La semaine dernière, je suis allé au Pôle emploi à pied, puis à la Caf [Caisse d’allocations familiales], de l’autre côté de la ville. En centre de détention, on fait un courrier et on attend que ça se passe. Ici, on fait les démarches nous-mêmes. » Aux nouveaux, Bernard Rollin met « un peu la pression ». L’idée n’est pas qu’ils s’éternisent ici, mais qu’ils prennent leur envol. Pour cela, il faut : refaire ses papiers d’identité (souvent, ils expirent en prison) ; ouvrir un compte bancaire (l’administration pénitentiaire gère l’argent des détenus) ; déclarer son changement de situation vis-à-vis de l’Assurance maladie (les détenus relèvent d’un régime particulier) ; s’inscrire à Pôle emploi, à la Caf, faire une demande de RSA…

À leur sortie de prison, les personnes n’ont aucun revenu. Beaucoup ont des indemnités à payer à des parties civiles. Et il est difficile d’expliquer à un employeur un trou de plusieurs d’années sur un CV. Plusieurs résidents, comme Mickaël et Jeff, sont aujourd’hui intérimaires. Ils reversent 10 % de leurs revenus au 30 pour participer aux frais d’hébergement.

Tisser de nouveaux liens est une autre des missions du 30. Lune, 27 ans, étudiante en sociologie et bénévole, participe à la vie de la maison. Pour elle, l’une des difficultés des résidents est de se créer « un nouveau champ relationnel ». « Certains sont pris dans des liens nocifs. Il faut une vraie énergie pour créer d’autres types de liens. » La présence de bénévoles comme Lune et Alain a surpris Mickaël. « Ils viennent pour nous gratuitement ? » Dans son monde d’avant, tout se payait. Impatient que cette partie d’échecs à laquelle il ne comprend rien se termine, il essaie de décourager Mathieu : « Laisse tomber, c’est pas pour toi ! » Impassible, ce dernier lui rétorque : « Dans mon cerveau, il y a des tiroirs qui se sont fermés. Il faut les rouvrir ! »

(1) Le prénom a été changé.
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Un colloque pour penser la peine

Se pencher et réfléchir sur le sens de la peine infligée aux coupables de crimes et de délits : C’est ce que propose la Fondation Jean Rodhain du 25 au 27 novembre sur le campus de l’université catholique de Lyon lors d’un colloque qui réunira autour d’hommes d’Église, juristes, enseignants, scientifiques, associatifs, responsables d’établissements pénitentiaires, juristes et anciens détenus. En ligne de mire : co-construire un plaidoyer en faveur d’une sanction qui ne soit plus une peine, outil de souffrance et de destruction, mais une chance de reconstruction. Cet événement est organisé avec l'implication et le soutien du département Prison-Justice du Secours Catholique. Adélaïde Bertrand, déléguée générale de l'association, et Jean Merckaert, directeur de l'action et du plaidoyer France comptent parmi les participants.

Plus d'infos sur le site de la fondation Jean Rodhain

Crédits
Nom(s)
Aurore Chaillou
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Xavier Schwebel
Fonction(s)
Photographe
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