Mineurs isolés : à Marseille, un lieu où se ressourcer

Derrière une vieille bâtisse, dans un coin de verdure offrant un peu de fraîcheur en cette après-midi caniculaire de juillet, une dizaine de garçons se retrouvent. À tour de rôle, chacun lit à voix haute sa dernière composition. Des poèmes intimes, rédigés sur une feuille de papier ou sur leur téléphone, dans lesquels ces auteurs en herbe évoquent des souvenirs d’enfance, des rêves pour le futur mais aussi une innocence perdue sur les routes de l’exil. « Je vous ai juré de revenir un jour sain et sauf, la tête haute, les bras chargés de victoire. Que mes larmes versées ici soient les pierres sur lesquelles je bâtirai votre avenir », déclame Aboubakar comme s’il s’adressait à sa famille restée en Guinée.
Le jeune homme de 22 ans, arrivé seul en France à l’âge de 16 ans, a créé ce club de poésie au sein du GR1 – prononcé « grain » –, un accueil de jour situé dans un quartier résidentiel à Marseille et dédié aux jeunes migrants en attente de reconnaissance de leur minorité et d’une prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Voyant leur nombre augmenter, plusieurs structures associatives, dont Médecins sans frontières (MSF), Yes we camp, JUST, la Ligue de l'Enseignement 13 et le Secours Catholique, se sont réunies il y a un an pour créer ce nouvel accueil, ouvert du mardi au vendredi et pouvant recevoir jusqu’à 80 adolescents par jour.
« Proposer un "espace sécurisant" à ces mineurs non accompagnés sans domicile fixe, à la merci des réseaux criminels, est au cœur de notre projet », explique Kristel Guyon, coordinatrice du lieu. Dans cet accueil aménagé dans un ancien centre logistique – propriété du Secours Catholique –, les adolescents peuvent laisser libre cours à la légèreté de leur jeunesse : écrire des poèmes ou des morceaux de rap mais aussi jouer aux cartes ou à la console, se mettre à la musculation ou suivre des cours de danse. « C’est pour eux un espace de liberté », souligne la coordinatrice. « Ici, ils peuvent se défaire de l’étiquette du mineur étranger et retrouver une part d’individualité ».
Du réconfort
Dans l’arrière-cour de l’accueil, à l’abri du soleil mordant, les lectures de poésie se poursuivent. Vient le tour de Ibrahima. Casquette vissée sur la tête, ce fan de rap scande d’un seul souffle son tout premier texte. Le garçon de 15 ans, originaire de Guinée Conakry, ne parlait pas un mot de français à son arrivée. « C’est ici que j’ai appris », raconte l’adolescent, qui passe la plupart de ses journées au GR1. À l’instar des autres membres du club de poésie, Ibrahima trouve du réconfort dans l’écriture. « Mettre mes pensées sur papier me permet de trouver le sommeil, dit-il. Sans cela, je pourrais rester éveillé toute la nuit. Écrire c’est comme faire du sport, ça fait du bien, ça soulage l’esprit ».