A Nîmes, un café solidaire pour briser l’isolement

« Je m’éclate ! ». Annie brandit fièrement son dessin, inspiré d’une œuvre de Henri Matisse, sous les félicitations de ses voisins de table. Cet après-midi d’été, la sexagénaire prend pour la première fois part à l’atelier de dessin organisé une fois par semaine au café solidaire Anais, situé dans le centre-ville de Nîmes. « Je ne suis pas spécialement douée pour le dessin. C’est surtout une occasion de sortir de chez moi et de faire de nouvelles connaissances, confie la participante qui vit seule. Avec le confinement, je m’étais complètement renfermée ». De l’autre côté de la cloison vitrée, autour du comptoir, un groupe de personnes papote, une femme bouquine et deux autres s’affrontent à un jeu de cartes, mis à disposition des clients.
Un lieu de convivialité et d'entraide
Déclencher la conversation, amorcer la rencontre et offrir une écoute est la raison d’être de ce café solidaire créé en 2018 par le réseau des Associations nîmoises d’action et d’intervention sociale (Anais, d’où le nom du café), auquel appartient le Secours Catholique, explique Julien Pallier, le coordinateur du projet. Pour cela, rien de tel que de servir un café, un thé ou une limonade artisanale, « outils de convivialité par excellence », à un prix dérisoire voire gratuitement. « Ici, on applique le principe du café suspendu : on offre à une personne dans le besoin un café payé à l’avance par un client », explique Marie-Odile, une bénévole postée derrière le comptoir, en servant un café à Alexandre, un habitué. « C’est un petit geste de solidarité », renchérit ce dernier, en réglant deux cafés pour un seul commandé. « La vie n’est pas linéaire. Un jour, ça pourrait être moi ».
Sous le plafond voûté en pierre, nul n’est obligé de consommer pour être accueilli. Dans cet espace ouvert quatre jours par semaine et animé par une vingtaine de bénévoles, on peut assister à un cours de français langue étrangère, à un atelier de tricot ou d’écriture ou à une projection de film. On peut aussi y récupérer des vêtements de seconde main ou des kits d’hygiène. « Le café est ouvert à tout le monde : personnes en précarité ou non, étudiants, retraités…, précise le coordinateur du projet. On souhaite casser les barrières sociales et symboliques pour permettre aux habitants de se retrouver, d’échanger et de sortir de leur isolement ».
Un café itinérant
Dans sa volonté de favoriser l’inclusion sociale, l’équipe du café Anais investit chaque mercredi matin la place Saint-Charles, porte d’entrée vers le quartier Richelieu-Gambetta. « Un quartier prioritaire de la ville où le niveau de pauvreté est élevé. Bien que situé à la lisière du centre-ville de Nîmes, ce quartier est coupé du reste de la ville », souligne Marie Habé, coordinatrice du développement social. Avec ce café itinérant, l’équipe va à la rencontre d’un public qui n’ose pas pousser la porte du local afin de « recréer du lien social de proximité et faire le pont entre ce quartier déshérité et un centre-ville plutôt aisé ». Bernadette, 73 ans, est ravie de voir le vélo triporteur du café Anais s’installer dans son quartier : « Je passe mes journées seule chez moi. Personne ne vient me rendre visite. Avec ce café de rue, j’ai au moins un peu de compagnie ».