Retrouver le bonheur de cuisiner

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Chaque lundi après-midi, depuis 2013, à Clichy, le Secours Catholique propose un atelier cuisine aux femmes qu’il accompagne. La plupart vivent à l’hôtel et viennent pour le plaisir de se retrouver, de quitter leur chambre et d’apprendre de nouvelles recettes.
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« On va faire quoi, chef, aujourd’hui ? » Dans une salle équipée d’une cuisine prêtée par le centre culturel Serge-Gainsbourg de Clichy, une douzaine de femmes s’activent. Leur “chef”, Hassiba Benameur, distribue tabliers et planches à découper. « Aujourd’hui : tartelettes aux poireaux ! On va faire frire les poireaux avec des oignons rouges à la poêle et il vaut mieux les couper en petits morceaux, comme ça », déclare-t-elle, geste à l’appui, aux femmes attentives.

Toutes connaissent le Secours Catholique parce qu’elles vivent dans des situations précaires. La moitié d’entre elles sont hébergées à l’hôtel. « C’est comme si on était en famille, ici. On cuisine dans la bonne humeur. Ça me change de l’hôtel où c’est trop petit ! » s’exclame Amina. Najat, elle, vit à l’hôtel à Romainville. Ses enfants sont scolarisés dans le 9e arrondissement de Paris, mais la famille est toujours domiciliée à Clichy : « Pendant la journée, je ne peux pas rentrer à l’hôtel, à cause des temps de transport. Je suis condamnée à errer. Alors cet atelier m’occupe et ainsi je vois du monde. »  Offrir un temps de convivialité à ces femmes souvent isolées est bien le but premier de cet atelier cuisine. « Ici, on donne un moment de bonheur, explique Hassiba. Les femmes oublient leurs problèmes grâce à la cuisine. Elles se sentent utiles et s’entraident. »

Des femmes cuisinent
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Chaque lundi, Hassiba propose deux recettes. Elle aime innover : quiches, gratins, mais aussi éclairs au chocolat, chouquettes, tartes aux pommes… Les participantes aussi font des propositions de recettes qu’elles voudraient tester, comme les gâteaux à la cannelle ou la soupe marocaine “harira”. Hassiba décide en fonction des ingrédients disponibles. En effet, chaque semaine, elle s’approvisionne grâce aux colis alimentaires du Secours Catholique qui proviennent des dons de trois supermarchés et aux fruits et légumes des jardins de Cocagne et d’Andes, réseau national des épiceries solidaires. La bénévole complète alors avec un budget de 20 euros.

« On n’a que des produits frais, aucune boîte de conserve ! » assure Rosa, bénévole avec Hassiba. « L’objectif, c’est aussi d’apprendre aux femmes à cuisiner de manière équilibrée des produits qu’elles ne connaissent pas, comme certains légumes qu’elles trouvent dans les colis : les salsifis, les choux ou comme aujourd’hui les poireaux. » Les poireaux et oignons rouges sont cuits. Hassiba explique aux participantes qu’il faut y ajouter de la crème fraîche et des œufs, bien mélanger puis déposer le tout, saupoudré de gruyère, sur la pâte feuilletée dans les petits moules. « Vous voyez, conclut Hassiba, avec un rien on peut faire beaucoup de choses. Ça ne coûte pas cher et ce sont des vitamines pour vos enfants. » Amina est enchantée : « Ça me donne une idée de recette. La prochaine fois, je ferai ma quiche moi-même dans la cuisine collective de l’hôtel, plutôt que d’en acheter des toutes faites au supermarché. »

Cet atelier, c'est ma bouffée d'air frais !

Fadila


Mais toutes n’ont pas de cuisine à l’hôtel, comme Fadila qui n’a pas non plus le droit d’avoir un micro-ondes ou un frigo dans sa chambre. Elle stocke ses aliments sur le rebord de sa fenêtre, à l’extérieur, et cuisine parfois chez une amie. L’impossibilité de préparer les repas, et même de conserver les aliments, a des répercussions importantes sur la santé : de nombreuses familles présentent des carences en fer et vitamines ou des problèmes d’obésité. Avec l’atelier cuisine, « on offre aussi un espace où l’on peut se faire plaisir avec la nourriture car souvent, à l’hôtel, vu les conditions, cuisiner et manger n’est plus un plaisir », observe Sarah Dauphin, animatrice du Secours Catholique en charge de l’atelier.

Ce lundi, par exemple, après les tartelettes aux poireaux, Hassiba propose de fourrer, avec de la confiture à la pomme et à l’orange, une génoise réalisée la semaine précédente avec les participantes. « On la fourre donc avec notre confiture et aussi avec un mélange de crème fouettée, de mascarpone et de chocolat noir ! » explique-t-elle. Après la cuisine, c’est l’heure de la dégustation ! Les femmes se partagent le gâteau tout en se montrant les photos de leurs enfants sur leurs portables. Puis elles emballent les restes du repas dans des boîtes et des sachets plastiques, afin de les rapporter chez elles. « Les enfants sont ravis, le lundi soir, lorsque je reviens avec de quoi manger. Ils voudraient que ce soit tous les jours », raconte Ikram. Fadila se prépare à partir : « À la semaine prochaine ! Je reviens toujours, car ici j’oublie mes malheurs. J’ai besoin d’être avec les autres. Cet atelier, c’est ma bouffée d’air frais ! »

Crédits
Nom(s)
Cécile Leclerc-Laurent
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Christophe Hargoues
Fonction(s)
Photographe
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