Violences faites aux femmes : quand la guerre fait leur lit

Chapô
Les violences sexuelles sont utilisées comme tactique de guerre dans le monde entier. Le conflit terminé, ces violences se banalisent et deviennent domestiques, s’installant dans le quotidien des femmes. En Tchétchénie, en RDC et au Rwanda, les partenaires du Secours Catholique se mobilisent.
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Selon l’Organisation mondiale de la santé, une femme sur trois a été exposée à des violences physiques ou sexuelles de la part de son partenaire ou de quelqu’un d’autre au cours de sa vie. Le problème se pose particulièrement dans les pays qui ont connu des conflits. « Même après la cessation des hostilités », écrit l’OMS, les femmes sont battues frappées ou violées, « notamment parce que la violence est plus acceptée socialement et parce qu’il est facile de se procurer des armes ». Dans un livre titré « Mettre fin à la violence contre les femmes, un combat pour aujourd’hui », Amnesty international tire cette même conclusion, citant une augmentation des violences domestiques observée en Bosnie après la fin de la guerre en 1996, ou encore dans les familles de militaires américains rentrés des combats, et chez les femmes palestiniennes dont les foyers ont été détruits par les forces israéliennes.

En RDC, le viol, fréquemment utilisé comme arme de guerre, est entré dans les foyers.


C’est fort de ce constat que le Secours Catholique soutient des projets de lutte contre les violences conjugales dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au Rwanda mais aussi en République tchétchène de Russie. Dans ces deux derniers pays, 70 % des femmes sont concernées selon des études menées sur place par les partenaires de l’association. « Lors des conflits, la population intègre que la communication passe par la violence et le foyer devient le lieu principal d’insécurité. Le relatif retour au calme cache l’émergence de nouvelles violences. » analyse Juliette Durand–Delga, du pôle Afrique du Secours Catholique. Ainsi, dans l’est de la RDC, le viol, fréquemment utilisé comme arme de guerre par les groupes armés, est entré dans les foyers. Au Rwanda, après le génocide, on est passé d’une violence visible du bourreau envers la victime, à une violence cachée au sein de la maison.

Partenaire en RDC

La situation est plus complexe en Tchétchénie : « il y a une spirale de la violence, aussi présente dans la brutalité du régime autoritaire, ou encore dans la crise économique qui pousse les hommes au chômage à bout, et aussi dans une certaine islamisation de la société tchétchène », explique Almira Manapbaeva, en charge de la Russie pour le Secours Catholique. Dans les trois pays, les partenaires* de l’association veillent avant tout à prendre en charge les victimes à travers la mise en place de numéros verts - pour alerter rapidement sur les cas de violences conjugales -, et de maisons d’écoute.

Celles-ci proposent aux femmes un accompagnement psychologique, des ateliers de relaxation, une aide juridique et une information sur leurs droits. « Nous apportons aussi une aide économique en insérant les femmes sur le marché du travail. En ayant eu le courage de dénoncer leur mari, elles sont en effet stigmatisées, marginalisées et tombent souvent dans la pauvreté » note Camille Liewig, en charge de la région des Grands Lacs. Mais le travail des partenaires du Secours Catholique ne s’arrête pas là : ils veulent aussi changer les mentalités en sensibilisant la population aux violences, par des campagnes d’information (dans les médias ou par des supports éducatifs) ou de prévention dans des écoles en formant enseignants et élèves.

Ils tentent aussi de négocier avec les autorités locales pour mieux faire condamner les violences domestiques et « avoir un plus grand impact à plus grande échelle » selon Camille Liewig. Ainsi, à Bukavu, en RDC, la CDJP a pu constater une jurisprudence plus favorable aux femmes suite à son travail de plaidoyer. Elle réalise aussi du lobbying auprès des députés régionaux pour mettre en place un décret d’application d’une loi contre les violences conjugales.

Ainsi les partenaires du Sud et du Nord Kivu espèrent faire connaître cette réalité des violences domestiques, mais ils se heurtent parfois à une difficile médiatisation. En effet dans cette région, nombres d’organisations ont fait du « viol, arme de guerre » une véritable « rente » et refusent d’accepter l’évolution progressive des violences. Le combat est aussi difficile en Tchétchénie, les partenaires du Secours Catholique étant dans le collimateur des autorités. Preuve que les violences faites aux femmes ne sont pas toujours une priorité politique : la Russie a dépénalisé en 2017 certaines formes de violences domestiques, commuant les deux ans de prison encourus en simple amende. La route est encore longue…

*Commission diocésaine justice et paix Bukavu et Femme au Fone dans le Sud Kivu, Caritas développement Goma dans le Nord Kivu en RDC ; CDJP Cyangugu au Rwanda, ; et deux associations - dont on ne peut citer le nom pour des raisons de sécurité - en Tchétchénie.

Crédits
Nom(s)
Cécile Leclerc-Laurent
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Elodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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