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Un chez-soi pour (ré) habiter sa vie

Un chez-soi pour (ré) habiter sa vie

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3 minutes
Paris
Chapô
Un chez-soi durable, dans un cadre collectif et accompagné : c’est la formule de la pension de famille Jean Rodhain, dans le 15e arrondissement de Paris, dernière née de l’Association des cités du Secours Catholique. Dans cet environnement protégé, 22 résidents tentent d’habiter à nouveau leur vie.
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C’est le rituel du jeudi à la maison Jean Rodhain. Dans la salle de convivialité, les résidents partagent un petit-déjeuner. Franck s’est chargé d’acheter les viennoiseries dans le quartier. Il a rapporté le journal et égrène l’horoscope pour la tablée.

Autour de lui ont pris place Francis, Michel, Driss, Alexandre, Lidia, Biljana... Monique, qui anime un après-midi jeux, et Marc, bénévole « bonne humeur », se sont joints à eux. Alléché, Félix, le chat de la maisonnée, s’est lui aussi approché. « C’est sympa, résume Francis. On prend des nouvelles, on discute. »

Puis chacun vit sa vie : certains travaillent, d’autres ont des rendez-vous médicaux ou administratifs, des courses à faire etc. Les quatre adolescentes de la maison sont déjà au collège.
 

Avec mon chien, mon aquarium, je suis heureux ici. Je ne pensais pas avoir tout ça une fois dans ma vie.
Michel, un résident
 

Les 22 résidents – quatre familles, un couple sans enfants et des personnes seules - ont presque tous emménagé à l’ouverture de la pension de famille, fin 2014. Celle-ci compte 16 logements autonomes et sans limitation de durée.

Une assistante sociale est présente à mi-temps pour accompagner les résidents dans leurs démarches (accès aux droits, santé, emploi, retraite etc.), tandis qu’une intervenante socio-éducative les aide, au besoin, à investir leur chez-soi et les incite à créer du lien entre eux.

Michel, 54 ans, nous conduit à son studio. Sur le sofa, un griffon l’attend sagement. « Il est comme moi, il ne parle pas ! », s’amuse le maître, qui a la voix cassée depuis un cancer des cordes vocales.

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Michel, 54 ans, dans son studio
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« mes cartons me manquaient »

« J’ai fait 17 ans de rue, souffle-t-il. Avec mon chien, mon aquarium, je suis heureux iciJe ne pensais pas avoir tout ça une fois dans ma vie. » Abandonné bébé, Michel a commencé à boire à 13 ans et dormi pendant des années sur le parvis d’une église parisienne.

Il se souvient de son arrivée dans le studio. « J’ai couché un mois par terre, dans mon duvet. Dans ma tête, je ne pensais pas rester. Mes vieux cartons me manquaient. »

Depuis, le quinquagénaire s’est meublé, a appris à se mitonner des plats. Il est abstinent et a retravaillé comme jardinier. Il a d’ailleurs carte blanche pour entretenir le jardin collectif de la maison et les balcons de certains habitants de la copropriété.
 

Pouvoir rentrer chez soi, ce n’est pas seulement avoir un toit. C'est aussi pouvoir s'occuper de soi.
Lidia, résidente
 

Sa voisine, Lidia, élève seule sa fille de 11 ans, Marina, dont elle nous montre la chambre à la déco très girly.

« Pour moi, ce logement est un tremplin, explique la quadragénaire. Avant, nous étions hébergées chez quelqu’un. Nous dormions sur des lits superposés. Je n’avais pas de cuisine, parfois pas d’eau chaude. C’était très précaire. Toute l’énergie que je mettais dans ce quotidien difficile, je ne pouvais pas l’investir ailleurs. Maintenant, je peux construire un projet. »

Depuis qu’elle habite son propre appartement, Lidia a passé un diplôme pour exercer la réflexologie.

« Pouvoir rentrer chez soi, ce n’est pas seulement avoir un toit, analyse-t-elle. C’est aussi pouvoir s’occuper de soi, être maman comme je souhaite l’être, faire des choses simples mais qui construisent une sécurité intérieure et, pour Marina, les fondations de sa personnalité. »

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Lidia et Marina
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lien avec l'extérieur

Lidia apprécie le cadre collectif qui permet à sa fille de s’épanouir, par exemple à travers l’atelier théâtre qu’elles fréquentent ensemble. Les résidents partagent aussi un repas mensuel et s’invitent entre voisins. Pour tous, la maison est un cocon. 

Alexandre, 49 ans, au passé d’errance et de toxicomanie, avoue être « pantouflard », par peur de replonger. « Maintenant que j’ai un chez-moi, j’en profite ! », ajoute-t-il.

« La maison, avec sa vie communautaire, est un lieu protecteur, mais qui peut renfermer sur soi, relève Marie-Line Briny, la coordinatrice. C’est pourquoi nous travaillons à créer du lien avec l’extérieur ».

La « Table ouverte », un atelier de remobilisation par la cuisine auquel participent certains résidents, a ainsi vocation à accueillir une clientèle venue du quartier. L’organisation d’une brocante, d’une journée portes ouvertes et de la fête des voisins participe de cette même dynamique.

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René
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« j'ai une belle vue  »

Mais le dernier pas, celui qui mène à un logement lambda, reste difficile. « Le chemin est long. Quand je serai plus solide financièrement, on pourra envisager autre chose », avance Lidia.

« Je suis bien ici », apprécie René, un bonhomme tout en rondeur mais cassé par trente-cinq ans de chantiers et dix à dormir dehors. Il vit simplement, entre l’atelier cuisine, ses grilles de sudoku, et son balcon. « J’ai une belle vue. Je vois tout ce qu’il se passe dans la rue ».

Comme beaucoup, ici, il se sent à la fois libre et protégé.

Crédits
Nom(s)
Crédits photos : ©Christophe Hargoues / Secours Catholique.
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