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Un havre de paix pour les malades psychiques

Un havre de paix pour les malades psychiques

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5 minutes
Haute-Garonne
Chapô
L’ACSC, l’Association des Cités du Secours Catholique, membre du réseau Caritas France, a ouvert en 2017 “ÔMonPaïs”, la première résidence accueil de Haute-Garonne à Toulouse. Cette structure offre des logements adaptés aux personnes atteintes de troubles psychiatriques et veille, selon le crédo Caritas, à “faire avec” elles.
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C’est l’heure du goûter, au 55 rue Pierre-Cazeneuve de la Ville rose. Une dizaine de résidents de “ÔMonPaïs” se retrouvent dans la salle commune pour partager des crêpes, préparées ensemble le matin même. L’heure est à la détente, on échange, on rit. « J’aime qu’on partage des moments ensemble, témoigne David. Ça rompt la solitude. Car sinon, on se retrouve vite avec nos pathologies dans les moments d’isolement. » Karim approuve : lui, adore le café de 9 heures qui lance la journée, tout en appréciant d’avoir son lieu de vie.

Car dans une résidence accueil, chacun dispose de son appartement. « J’insiste, ce n’est pas une chambre mais un appartement», déclare Farid, fier de montrer son espace privatif. Le mobilier de base est sommaire (lit, placard et kitchenette) et chacun aménage son espace selon ses goûts. Farid a apposé des posters sur chaque mur. « Je revis, ici, je m’épanouis et je sais que je peux rester. » C’est l’un des points forts des résidences accueil : les résidents peuvent y séjourner tant que leur projet d’accompagnement a du sens.

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Les besoins identifiés
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Un accompagnement médical et social

Ces structures ont vu le jour en 2006 : il s’agit en fait de maisons-relais, mais réservées à des personnes en situation d’exclusion présentant des troubles psychiatriques. Dans ce cadre légal, l’association gérant le centre d’accueil – ici l’ACSC – doit établir des partenariats avec le secteur psychiatrique – ici l’hôpital Gérard-Marchant – et un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés – ici le Samsah “Le Razes”, géré par l’association Apres. Ainsi, les deux travailleurs sociaux de la résidence “ÔMonPaïs” veillent, en lien avec leurs partenaires, à la continuité des soins des résidents.

On accompagne la personne dans sa vie quotidienne pour aller vers plus d’autonomie
Hélène Escarnot, directrice du Samsah “Le Razes”


Par exemple, Karim se rend trois fois par semaine, seul, au centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP). Le Samsah, lui, épaule l’équipe d’accueil d’“ÔMonPaïs” pour gérer les problématiques d’adaptation à la vie quotidienne de ses résidents. Il s’occupe notamment des besoins de portage de repas pour les personnes inaptes à cuisiner ou d’aide à domicile pour celles qui ne peuvent effectuer leurs tâches domestiques. 

« On accompagne la personne dans sa vie quotidienne pour aller vers plus d’autonomie, en mettant en place l’étayage dont elle a besoin », explique Hélène Escarnot, directrice du Samsah “Le Razes”. Pour toute aide, les résidents s’adressent à Lucie et Marion, les deux travailleuses sociales de l’ACSC, présentes pendant la journée du lundi au vendredi. « Nous sommes en quelque sorte un décodeur, analyse Lucie Bonneviale, nous orientons vers les partenaires selon les demandes de chacun. »

LE REGARD DE 

CORINNE FORTIN, CADRE SUPÉRIEUR DE SANTÉ AU CENTREHOSPITALIER GÉRARD-MARCHANT

À mes yeux, la résidence accueil “ÔMonPaïs” est une véritable alternative à l’hospitalisation. Le risque est grand pour les patients de se retrouver à la rue avec des décompensations psychiatriques. De fait, ils ont des difficultés à trouver un logement et un emploi, et ils vivent souvent des minima sociaux. Être logé à la résidence accueil leur permet de quitter le cercle vicieux hôpital/néant. Ici, ils ont non seulement un toit, mais aussi un suivi psychiatrique et sont aidés sur le plan social dans leur vie quotidienne. Cette réhabilitation psycho-sociale leur permet de s’insérer dans la société. La résidence est un havre de paix, un lieu sécurisant pour les patients. Ici, ils sont reconnus en tant que personnes : on les traite comme tout le monde, on écoute leurs souhaits, on les valorise, et tout cela les stabilise. 


Un public à la précarité accrue

Tout cet accompagnement est rassurant à la fois pour les résidents, leurs proches et leurs tuteurs. « Auparavant, la personne pour laquelle j’exerce un mandat se mettait en danger, seule, chez elle », note Romain Soley, auxiliaire de justice. « Ici, grâce au maillage croisé de l’ACSC et des partenaires médicaux et sociaux, elle est bien prise en charge. Il était important d’avoir une structure d’accueil pour ce public spécifique qui est vulnérable et ne peut assumer certains actes de la vie quotidienne. Un public qui a de plus grands risques de tomber dans la précarité. »

La dégringolade sociale peut être rapide en cas de rupture de soins. Du fait de leurs pathologies, ces personnes ont aussi des difficultés à trouver du travail, donc à disposer d’un revenu. Elles touchent souvent l’AAH (allocation adulte handicapé). Farid confie ainsi qu’il a vécu à la rue il y a quelques années.

À “ÔMonPaïs”, les résidents versent une redevance mensuelle, sorte de loyer, comprise entre 345 et 459 euros, ainsi qu’une participation de 54 euros pour le mobilier et les espaces collectifs. Mais la grande majorité touchant l’APL foyer, leur loyer à charge est compris entre 88 et 138 euros. 

LE REGARD DE 

EMMANUELLE BOURLIER, PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION “TOUTES VOILES DEHORS”, D’USAGERS DE LA PSYCHIATRIE

J’ai participé au montage du projet en tant que représentante des personnes à pathologies psychiatriques. L’intérêt d’une résidence accueil est qu’elle offre un logement sans limite de temps, ce qui est très rassurant pour nous ! Les logements temporaires sont insécurisants. Dans une résidence accueil, nous pouvons enfin construire notre vie. N’oublions pas qu’un psychotique fonctionne autrement, on ne peut pas nous faire entrer dans des cases. Vivre à côté de personnes qui ont les mêmes difficultés permet aussi de se soutenir les uns les autres.


Des moments de convivialité

Schizophrénie, bipolarité : des affections des résidents, l’ACSC connaît le minimum, secret médical oblige. « Peu importe, en fait, ce qui compte est de repérer les situations de mal-être des personnes », explique Carine Louge, chef de service de la résidence accueil. Outre les soins, une socialisation et une implication dans la vie de la résidence permettent aussi de panser les blessures. Des plannings ménage et sortie des poubelles permettent par exemple de valoriser les personnes. « On croit en les capacités de chacun mises au service de tous », poursuit le chef de service.

On fait avec les personnes, on a tous des compétences.
Lucie Bonnevial, travailleuse sociale


Les résidents semblent ravis des moments collectifs qui sont décidés ensemble lors des “conseils de maison” : sortie à la mer ou à la montagne, sorties culturelles comme à l’opéra, cuisine et partage de repas, jardinage, etc. C’est aussi la touche Caritas : « On fait avec les personnes, on a tous des compétences », rappelle Lucie Bonneviale. Le fait qu’aucun résident n’ait eu besoin d’être hospitalisé en psychiatrie depuis son arrivée témoigne de la réussite du projet. 

Le goûter est maintenant terminé à “ÔMonPaïs”. Certains s’éclipsent vers leur appartement tandis que David et Karim sortent un Rumikub du placard. Une partie de jeu de société s’improvise avec Marion. Farid conclut : « Lucie et Marion nous entourent au quotidien. Quand c’est le week-end, on se dit : vivement lundi ! »

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Crédits photos : © Élodie Perriot/Secours Catholique-Caritas France
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