« Ce n’est pas une espérance dans les nuages que l’on vit avec les plus pauvres »

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La 9e Journée mondiale des pauvres est célébrée ce dimanche 16 novembre. Cette journée place les plus vulnérables au cœur de l’Église et de la société. Elle coïncide avec la journée nationale du Secours Catholique qui ouvre sa campagne de fin d’année. Entretien avec le père François Odinet, aumônier général du Secours Catholique.
Paragraphes de contenu
Texte

 
François odinet, 
aumônier général 
du Secours Catholique-Caritas France

 

Secours Catholique : Quelle est la signification de la Journée mondiale des pauvres  ? Quel est le message du nouveau pape Léon XIV pour cette 9e édition ?

François Odinet : Ce n’est pas une journée qui serait l’unique moment où l’on doit se préoccuper des pauvres. Le pape François l’a instituée au contraire pour nous rappeler un essentiel de notre vie en Église. Cela apparaît bien dans le message de Léon XIV pour cette édition, qui écrit textuellement : « Les pauvres ne sont pas une distraction pour l’Église, ils sont nos frères et sœurs les plus aimés ». C’est une manière de nous remettre devant les yeux et dans l’esprit notre engagement à l’égard des plus pauvres, qui fait partie de notre foi, même si, concrètement, il n’est pas toujours facile à vivre ou à incarner.

Cette année, le message du pape est en résonance avec le thème du jubilé de l’espérance. Le pape médite sur la parole d’un psaume, « C’est toi mon espérance ». Et il voit dans les plus pauvres les témoins privilégiés de cette espérance. Ce que les plus précaires subissent est profondément injuste mais, au cœur de cette injustice, ils peuvent témoigner de la force de l’espérance, et de ce que cela fait d’avoir Dieu comme compagnon de route. « Le pauvre, écrit Léon XIV, peut devenir témoin d’une espérance forte et fiable. » C’est un message auquel je crois beaucoup.

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S.C. : Dans le contexte actuel, il peut sembler compliquer de recevoir ce message-là…

F.O. : Quand tout va bien, on ne ressent pas forcément le besoin de parler d’espérance. On parle d’espérance justement parce que notre contexte est difficile. Les plus pauvres sont des témoins de l’espérance précisément à cause de ce à quoi ils sont confrontés. Pour eux, l’espérance n’est pas un luxe, ce n’est pas la cerise sur le gâteau une fois que l’on a résolu les problèmes. Quand on chemine avec les personnes en précarité – et c’est le cas au Secours Catholique de bien des manières –, elles nous montrent comment l’espérance est un ressort vital. Sans elle, on s’effondre. Je pense à Fabienne, une personne en grande précarité avec laquelle j’ai eu l’occasion d’échanger. Elle disait : « Sans espérance, on n’est rien ». Ce n’était pas une phrase en l’air : sans ce ressort-là, on ne tient pas.

Ce sont les plus pauvres, confrontés aux choses les plus difficiles, qui peuvent être témoins de cette force de l’espérance.

Il ne faut donc pas se dire : comme le contexte est difficile, on a du mal à espérer. Au contraire, l’espérance est ce qui nous fait traverser les temps douloureux. Et donc, paradoxalement, ce sont les plus pauvres, confrontés aux choses les plus difficiles, qui peuvent être témoins de cette force de l’espérance. C’est pourquoi, si l’on cherche de l’espérance en ce moment, ce n’est pas auprès de ceux qui sont préservés des problèmes qu’on la trouvera, mais c’est auprès des plus pauvres qu’on peut l’apprendre.

Au Secours Catholique, cette espérance s’incarne dans des relations personnelles. C’est en affrontant des sujets très concrets – le logement, l’alimentation, la justice, l’accès aux droits… que l’espérance se communique, qu’elle est contagieuse. Autrement dit, ce n’est pas une espérance "dans les nuages" que l’on vit au Secours Catholique avec les plus pauvres.

S.C. : Quelle importance cette journée revêt-elle spécifiquement pour l’association ?

F.O. : Il y a une forme de résonnance heureuse et stimulante entre le moment traditionnel de la campagne de fin d’année, qui est l’occasion pour le Secours Catholique de vivifier ses liens avec les paroisses et les communautés catholiques, et en même temps une journée qui a une portée mondiale.

Cette journée nous rappelle qu’au Secours Catholique, nous souhaitons vivre deux dimensions : un enracinement très concret – dans tel village ou ville, tel accueil de jour etc. –, et en même temps la conscience que les causes de pauvreté sont mondiales. Nous sommes donc invités à vivre un engagement concret sur un terrain spécifique, mais en cohérence avec une préoccupation qui est celle de l’Église partout. Et cela se manifeste par le fait que nous faisons partie du réseau Caritas internationalis. Nous avons ce souci « mondial », qui est celui de l’Église, et qui correspond à l’ampleur des problèmes : nous sommes une Église qui porte le souci des plus pauvres dans le monde entier – comme Léon XIV nous l’a rappelé dans son exhortation Dilexi Te - et en même temps, nous sommes une humanité qui fait face à des enjeux de portée mondiale.

Cette journée est aussi l’occasion de nous rappeler que nous sommes dans un pays où l’espérance est devenu un « gros mot », que l’on n’ose plus prononcer. Or, il y a d’autres Églises dans le monde confrontées à des contextes très difficiles (pauvreté massive, situations de guerre et de violences) qui ont des choses à nous apprendre sur l’espérance. C’est une invitation à nous décentrer pour les écouter.
 

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Crédits
Nom(s)
Propos recueillis par Clarisse Briot
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Élodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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