Colombie : « On accompagne les communautés amazoniennes pour la préservation de leur territoire »
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Juan Felipe Martinez, de Caritas Colombie, membre du REPAM.
Secours catholique : Quelle est la situation en Amazonie colombienne ?
Juan-Felipe Martinez : Située au sud de la Colombie, la région connaît des problèmes similaires à l’Amazonie brésilienne. C’est un territoire « oublié » car éloigné des zones urbaines et en partie contrôlé par des groupes armés (ces derniers temps, par les dissidents de l'ancienne FARC-EP). Les populations locales sont confrontées à l’abandon de l’État qui n’y investit pas et ne leur garantit pas de services publics (santé, école, eau potable, électricité…), mais aussi au manque d’activité économique pour subvenir à leurs besoins. Elles subissent par ailleurs la dégradation de leur environnement naturel et social. On y observe en effet une dynamique préoccupante en termes de déforestation et d’accaparement illégal des terres, au profit notamment de la culture de coca, de l'exploitation minière et forestière et de l'élevage extensif. Et la présence des groupes armés génère un climat de violence.
S. C. : Quelle est l’action du Réseau Ecclésial Panamazonien (REPAM-Colombie) sur place ?
J-F. M. : Nous travaillons avec les communautés locales. Nous les accompagnons notamment dans un processus de substitution de la culture de la coca par d’autres types de culture, à travers un plan de vie communautaire. Ce n’est pas évident car la coca représente pour les familles une alternative à l’agriculture classique dont elles n’arrivent pas à vivre, notamment du fait du manque de débouchés commerciaux. Mais nous essayons de les convaincre que ce n’est pas la solution. Nous menons avec elles une réflexion sur leur vie avant la coca, sur ce qui les a conduit à la culture de la coca, sur la manière dont elles voyaient ou désiraient leur vie, et sur ce qui serait nécessaire pour atteindre ce futur désirable. Plus généralement, nous travaillons avec elles à la préservation de leur environnement et à l'amélioration de leurs conditions de vie communautaires et familiales.
S. C. : En quoi cela consiste-t-il concrètement ?
J-F. M. : D’abord par un travail avec les personnes au niveau individuel. Permettre à chacune d'identifier dans quel territoire elle vit, de comprendre les spécificités de l’Amazonie. Car de nouveaux habitants, à la recherche de terres à exploiter, se sont greffés aux populations autochtones, ces dernières décennies, avec l'idée de "propriété privée". Notre première mission est donc de les sensibiliser afin qu’ils adhèrent à une démarche collective, à une vision de leur territoire comme un bien commun à protéger, qu'ils aient conscience que s'ils cultivent 10 hectares de maïs, ils vont déséquilibrer la biomasse, l’éco-système.
Nous formons ensuite les membres de ces communautés à une pratique de l’agriculture qui leur permette de subvenir à leurs besoins tout en préservant l’environnement : à travers, par exemple, la diversification des espèces cultivées et des activités dans la ferme ; par le biais, également, de méthodes issues du modèle agro-écologique, comme l'agroforesterie.
Enfin, nous favorisons le dialogue entre les autorités et les communautés afin que ces dernières puissent faire part de leurs besoins spécifiques, et plus généralement défendre leurs intérêts et celui de leur territoire.