Coronavirus : silence, on réprime !
« De nombreuses mesures d’urgence prises pour répondre au virus restreignent les droits fondamentaux et les libertés. Les mesures d’interdiction de rassemblements sont particulièrement utilisées à l’égard des oppositions, des défenseurs des droits humains et des minorités. » Ce constat dressé par l’ONG "International Center for Not-for-Profit Law" est partagé par les partenaires du Secours Catholique aux quatre coins du monde.
« En Russie, la Covid a été utilisée pour limiter les activités des ONG, et en particulier les manifestations », observe Almira Manapbaeva, en charge de cette zone au Secours Catholique. Même constat en Israël où le gouvernement fait pression sur la société civile qui sort dans la rue pour dénoncer la corruption. « La police utilise des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des chars pour persuader les populations de rester chez elles », explique Catalina Garcia Pinilla, en charge d’Israël / Palestine.
Au Niger, les manifestations ont été interdites à cause de la Covid et celle-ci est devenue un paravent pour arrêter les membres de "Tournons la page", coalition d’ONG qui luttent pour la démocratie. « Dans plusieurs pays africains la lutte contre le virus a été un prétexte pour réduire au silence les défenseurs des droits humains », s’insurge Laurent Duarte, coordinateur de "Tournons la page", soutenue par le Secours Catholique. « La crise de la Covid est révélatrice des failles de l’État de droit dans ces pays ».
Et de citer le cas de la Guinée où, d’un côté, le coronavirus est un motif avancé pour interdire les manifestations contre un troisième mandat d’Alpha Condé, mais de l’autre, le référendum constitutionnel permettant au président de se représenter a été maintenu malgré la crise sanitaire.
Violations du droit foncier
En Colombie, les manifestations collectives pour promouvoir la paix ont été interdites. « Cette interdiction permet au gouvernement de museler les voix contradictoires. Parallèlement, le contexte de dénigrement des leaders se poursuit », regrette Joël Da Costa, en charge de la Colombie au Secours Catholique.
En Amazonie, les partenaires du Secours Catholique notent par ailleurs que la crise sanitaire et la désorganisation sociale qui en découle favorisent l’accaparemment des terres en toute impunité. « La violation des droits est intense dans les régions où les populations sont vulnérables comme les peuples autochtones ou les communautés rurales. On constate une augmentation de la déforestation et des invasions de terre dans un contexte de mépris total du droit », déplore Christina dos Anjos, de Caritas Brésil.
De manière générale, la crise sanitaire n’a fait qu’intensifier des cas de violations de droit ou de répression qui existaient déjà. En Palestine par exemple, le défenseur des droits des palestiniens Salah Hamouri a été une nouvelle fois arrêté, cette fois alors qu’il se rendait à Jérusalem pour effectuer un test de coronavirus afin de prendre l’avion pour la France. Ceci a permis de le réduire au silence.
La presse est aussi inquiétée dans certains pays pour avoir publié sur l’épidémie. « En Russie, le gouvernement fait tout pour manipuler les chiffres et cacher la gestion de la crise », relève Almira Manapbaeva.
loi sur les fake news
Au Kirghizstan voisin, le Parlement a utilisé la période de la crise sanitaire pour passer une loi sur les fake news (manipulations d’information). « Et des membres du personnel médical qui ont dénoncé par vidéo les conditions de travail déplorables et le manque d'équipement de protection ont été persécutés par les services de renforcement de l'ordre ou ont été virés, et forcés de s'excuser publiquement », ajoute Almira Manapbaeva.
Aux quatre coins du monde, le coronavirus est utilisé à des fins politiques, et ce au détriment des libertés et des droits des populations.