Exploitation et traite des enfants : un crime impuni

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Huit Caritas du pourtour méditerranéen se sont penchées sur le phénomène croissant de la traite des enfants dans le but de sensibiliser l’opinion publique et d’alerter les gouvernements sur ce fléau de l’ombre aux ramifications internationales. Interview de Geneviève Colas du Secours Catholique, coordinatrice du collectif “Ensemble contre la traite des êtres humains“ et directrice de la recherche-action sur cette exploitation quasi-invisible.
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Exploitation et traite des enfants : un crime impuni
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Dans un rapport issu d'une recherche-action, huit Caritas du pourtour méditerranéen se penchent sur le phénomène croissant de la traite des enfants dans le but de sensibiliser l’opinion publique et d’alerter les gouvernements sur ce fléau de l’ombre aux ramifications internationales.

 

Geneviève ColasEntretien avec Geneviève Colas du Secours Catholique, coordinatrice du collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » et directrice de cette recherche-action

Secours Catholique : Le rapport que vous venez de publier sur la traite des enfants est le résultat d’une recherche-action de plusieurs Caritas. Comment cela s’est-il passé ?

Geneviève Colas : C’est le fruit d’un travail de longue haleine avec les mêmes Caritas qui avaient travaillé ensemble en 2016 sur la traite des êtres humains dans les situations de conflit et de post-conflit. C’est d’ailleurs lors de cette première recherche que nous nous sommes aperçus que la question des enfants était préoccupante et qu’elle dépassait les conflits eux-mêmes.

D’autant plus préoccupante que ce fléau est invisible. L’Unodec, l’organisation qui traite de la criminalité à l’ONU, estime que 13 millions d’enfants sont victimes de traite dans le monde. Or, à peine 24 000 victimes (adultes et enfants) ont été recensées. Les autres échappent aux radars. Ils apparaissent parfois dans le viseur du Bureau international du travail qui découvre des enfants victimes de travail forcé. D’autres fois, lors du démantèlement d’un réseau de prostitution.

La recherche-action menée pour construire ce rapport a consisté à croiser les données scientifiques existantes et à les confronter aux réalités du terrain des Caritas. Ces croisements aiguisent nos propositions pour lutter plus efficacement contre la traite. Ces Caritas mènent un travail de prévention et d’accompagnement des victimes.

Actuellement, la Caritas Jordanie prend en charge de très nombreux enfants en situation d’urgence. En Grèce, la Caritas a eu à connaître des cas de jeunes filles Roms attirées dans le pays pour devenir des mères auxquelles leurs enfants sont ensuite confisqués. Il y a des formes de traite qu’on n’imaginait pas. Les progrès de la médecine poussent aussi à la réflexion et soulèvent de plus en plus de questions éthiques.

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S.C. : Le rapport donne une large place à la traite des êtres humains liée à Internet. Les réseaux sociaux amplifient-ils le phénomène ?

G.C. : Internet permet d’aborder les jeunes gens très rapidement et de façon quasi invisible pour leurs proches. Des escrocs abusent de la crédulité ou du manque d’affection de certains jeunes pour les attirer dans leurs filets et s’en servir d’appât sexuel. Ils mettent tous les éléments du chantage en place et ces jeunes tombent sous leur emprise.

Internet sert aussi à faire miroiter des opportunités de gains faciles pour que les jeunes gens entrent en contact avec eux. Et puis des agences se servent d’Internet pour recruter et envoyer les personnes embauchées dans des pays où les conditions de travail sont indignes, voire travaillent sans être payés.

Les secteurs du bâtiment, de la restauration, des soins, de la coiffure, des emplois de maison sont ceux qui drainent le plus de victimes. Internet est un levier puissant pour créer de l’emprise et les jeunes ne peuvent pas se passer des réseaux sociaux.

En revanche, Internet permet de faire connaître le sujet et de prévenir la traite. À nous de nous en servir à bon escient.

 

S.C. : Quelles sont les cibles de ce rapport et quel accueil souhaitez-vous qu’il reçoive ?

G.C. : Nous voulons faire mieux connaître ce fléau et plaider pour qu’il soit mieux pris en considération dans les législations nationales. Nous souhaitons que les textes nationaux et internationaux concernant la lutte contre la traite et l'exploitation mettent la victime au centre des politiques créées. Et nous vérifions que ces textes sont appliqués.

Nous sommes dans une démarche de défense des droits humains. Nous attendons des réponses adaptées, avec un accompagnement intégral (psychologique, juridique, social, éducatif…) des victimes, dans la durée, sans distinction d’origine ou de culture.

Dans chacun de nos pays, par exemple, il est nécessaire de prendre les mesures appropriées afin d'éviter que des mineurs non accompagnés étrangers tombent ou retombent dans l'exploitation. 

Crédits
Nom(s)
JACQUES DUFFAUT
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© Thinkstockphotos
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