Proposition de loi « anti-squat » : nos inquiétudes

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En passe d'être soumise au Sénat pour une deuxième lecture, la proposition de loi “Kasbarian-Bergé”, dite loi "anti-squat", est fortement décriée par les acteurs du monde associatif. Elle prévoit, en effet, un durcissement de la répression de “l’occupation illicite des logements” et risque de jeter à la rue des dizaines de milliers de personnes.
Paragraphes de contenu
Texte
  • Cette proposition de loi, qui voulait à l’origine protéger les petits propriétaires contre le phénomène (marginal) de l’occupation de leur domicile (170 cas en 2022), instaure de fait de nouvelles sanctions pénales (deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende) qui seront en outre désormais applicables à tout type de local (logements vacants ou locaux économiques tels que les friches industrielles). La loi servira ainsi de prétexte à sanctionner et à mettre fin à toutes sortes de squats, même lorsqu’il n’y a pas d’urgence à expulser leurs occupants. Elle précipitera donc des gens à la rue, alors que chaque jour une personne sur deux n’arrive pas à joindre le 115 pour obtenir une place d’hébergement d’urgence.
     
  • Le second volet de la proposition de loi, adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale début avril, accélère les expulsions locatives en réduisant d’un mois au total les différentes étapes qui précèdent la décision du juge en cas d’impayés. Dans un contexte de forte inflation, le Secours Catholique craint ainsi une augmentation des expulsions sèches sans relogement, déjà en nette hausse depuis la crise sanitaire.
     
  • En première lecture, le Sénat a renforcé les compétences des instances de coordination départementales ou locales de la politique de prévention des expulsions locatives (Ccapex). Mais la réduction des délais de la procédure d’expulsion risque de court-circuiter les mesures de prévention, qui peinent déjà à s’appliquer à temps à toutes les situations, et pâtissent d’un manque de pilotage et de moyens.

 

Proposition de loi "anti-squat" : "Le nombre de personnes sans domicile pourrait doubler"

Chiffres clés
Chiffre
330 000
Description
personnes étaient sans domicile en 2022
Chiffre
12 000
Description
personnes ont été expulsées par la force publique en 2021
Chiffre
3,1 million
Description
de logements sont vacants en 2021
Texte
  • Ce texte de loi stigmatise les personnes en situation de pauvreté et de mal-logement. Les ménages qui ont des impayés livrent une bataille quotidienne pour rembourser leurs dettes et conserver leur logement, ce qui représente de nombreuses privations pour des populations dont le revenu médian est de 548 euros par mois. Cette proposition de loi considère les impayés comme une atteinte à l’ordre social, passible d’une nouvelle amende de 7 500 euros pour les locataires du parc privé qui ne quitteraient pas spontanément leur logement après la décision d’expulsion. C’est une mesure paradoxale, puisque l’État a l’obligation de reloger les ménages au titre du droit au logement opposable (loi Dalo).
     
  • La proposition de loi crée un délit d’incitation, de publicité et de propagande en faveur du squat, puni de 3 750 euros d’amende. Concrètement, cela risque de constituer une nouvelle entrave au travail des associations qui, comme le Secours Catholique, accompagnent les habitants de lieux de vie informels dans l’accès à leurs droits.
Texte

Notre alternative 

« Amplifier la politique du "logement d’abord" »

Par Ninon Overhoff, responsable du département “De la rue au logement” du Secours Catholique

« Cette proposition de loi n’est rien de moins qu’une bombe sociale, qui ne permettra pas d’honorer l’engagement pris par la France au niveau européen d’éradiquer le “sans-abrisme” d’ici à 2030. La priorité du premier texte législatif du quinquennat sur le logement aurait dû être de poursuivre et amplifier la politique du “logement d’abord”. Nous attendons ainsi beaucoup du second “plan quinquennal” logement d’abord qui devrait être prochainement dévoilé.

Il y a en effet d’autres alternatives pour protéger les ménages en difficulté et proposer des solutions vraiment efficaces aux propriétaires. Il faudrait par exemple renforcer la production et l’attribution des logements très sociaux aux ménages à faibles ressources, mais aussi étendre l’encadrement des loyers à toutes les agglomérations tendues et revaloriser les aides au logement et le chèque-énergie à la mesure du poids qu’ont pris les dépenses liées au logement dans le budget des ménages.

Du côté des propriétaires, il faudrait étendre la protection offerte par la garantie Visale contre les impayés locatifs et indemniser systématiquement les bailleurs lorsqu’il est nécessaire de surseoir à la mise en œuvre de l’expulsion d’un lieu habité pour éviter l’expulsion sèche.

Enfin, nous attendons un changement de paradigme, social et non pas sécuritaire, dans le traitement des lieux de vie informels (squats, campements, bidonvilles, etc.) : bien qu’une circulaire de 2018 prévoie la réalisation systématique de diagnostics sociaux et la proposition de solutions alternatives de logement aux habitants, 95 % des expulsions de lieux de vie informels recensées par l’Observatoire inter-associatif n’ont pas respecté ces impératifs. »

Crédits
Nom(s)
Cécile Leclerc-Laurent
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
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