Traite humaine : « Ce qui a été rendu possible pour l’Ukraine doit l’être partout ailleurs »

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Face aux réseaux criminels de traite humaine, l’accompagnement des réfugiés ukrainiens et des familles d’accueil a été renforcé depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, il y a plus d'un an. Une expérience qui peut servir sur d’autres terrains de conflit où le trafic d'êtres humains existe.
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Geneviève ColasEntretien avec Geneviève Colas, coordinatrice du collectif "EnsembLe contre la traite des êtres humains"*.

 

Qu’en est-il de la traite humaine en Ukraine plus d’un an après l’invasion russe ?

Geneviève Colas : Je regrette avant tout qu’on ne parle plus autant de la traite dans les médias qu’au début du conflit. Pourtant, un nouveau travail a été fait depuis avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR), la mission interministérielle dédiée et les associations pour sensibiliser les potentielles victimes grâce à des supports déclinés en différentes langues pour les adultes et les enfants.

La crise ukrainienne a donné plus de visibilité au risque d’exploitation des personnes et a fait prendre conscience d’une situation commune à tous les conflits. La guerre a révélé d’autres sujets peu abordés, comme les enfants nés de GPA ou l’adoption d’enfants orphelins - qui ne le sont pas tous en réalité. Des enfants aussi, emmenés sur le territoire russe pour des vacances ou un lieu d’accueil provisoire qui devient définitif. 

Par ailleurs, une plus grande vigilance et un meilleur accompagnement sont mis en place pour sensibiliser les familles d’accueil de réfugiés. La traite n’est plus l’apanage de réseaux : une famille lambda peut aussi dépasser les limites et de faux samaritains font miroiter sur internet de fausses promesses d’embauche ou d’hébergement menant à la prostitution ou au travail forcé.

La traite n’est plus l’apanage de réseaux.


Sur quels soutiens pouvez-vous compter dans cette mission ?

G.C. : Notre force, c’est le travail en réseau et la complémentarité des acteurs associatifs sur le terrain. Caritas Internationalis, de par son expérience et son maillage, permet une meilleure identification et le site internet contrelatraite.org informe régulièrement. Caritas Ukraine est d’ailleurs la première avec laquelle nous avons travaillé sur le sujet : nous financions déjà, il y a plus de vingt ans, des lieux d’accueil pour femmes victimes de traite après avoir cherché du travail dans les pays frontaliers.  Nous avons plus récemment rédigé un plaidoyer en avril 2022 pour avoir une attention à toutes les formes de traite et faire en sorte de protéger et faire reconnaître les droits des personnes isolées, créer une ligne téléphonique dédiée et accompagner ceux qui hébergent.

Le lien avec les institutions reste essentiel, même si la dimension politique n’est pas suffisamment prise en compte sur le sujet. La nomination d’une nouvelle secrétaire générale à la tête de la mission interministérielle, Roxana Maracineanu, nous redonne un peu d’espoir.

Quels sont, ici, les points d’un plaidoyer national et international qui restent à améliorer et quelles sont vos attentes ? 

G.C. : Ce qui a été rendu possible et visible pour l’Ukraine doit l’être partout ailleurs pour les populations vulnérables. La prévention est essentielle pour sensibiliser l’opinion : il faut ouvrir les yeux au quotidien et s’interroger sur le respect apporté aux personnes que l’on croise. Si les chiffres évoquent l’exploitation sexuelle comme traite principale en France (74% contre 9% pour le travail en restauration, nettoyage ou agriculture), ils ne rendent évidemment pas compte du nombre réel et du profil des victimes d’une traite aux multiples visages.

*Geneviève Colas coordonne le collectif "Ensemble contre la traite des êtres humains" pour le Secours Catholique. Elle est également membre actif du réseau mondial Coatnet.

Crédits
Nom(s)
Bruno César
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Elodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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