Véronique Fayet : « Fratelli Tutti nous engage à un plaidoyer vigoureux pour la justice »

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Fratelli tutti, troisième encyclique du pape François, résonne en harmonie avec la Révolution fraternelle que mène le Secours Catholique. Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique, réagit à ce texte.

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Texte

Véronique Fayet Trois questions à Véronique Fayet, présidente du secours catholique

 

Le pape François vient de publier sa troisième encyclique dont vous avez pris connaissance. Quelle a été votre première réaction après l’avoir lue ?

V.F. : J’ai l’impression que Fratelli tutti est la suite de Laudato Si’ dans laquelle le pape nous disait déjà : écoutez la clameur de la Terre et la clameur des pauvres. Les deux clameurs, l’une n’allant pas sans l’autre.

Dans cette troisième encyclique qui est un texte empreint de gravité, le Saint-Père nous répète inlassablement combien la dignité de tout être humain - quelles que soient ses conditions de vie, sa religion et son origine - est sacrée.

Nous retrouvons dans ce texte les enseignements des cinq années de son pontificat, ce qu’il nous disait déjà dans Evangelii gaudium et dans Laudato si’, dans ses grands discours aux mouvements populaires.

Le pape répète, en grand pédagogue, parce que nous n’avons pas bien compris, que la dignité de toute personne est le fondement de notre vie humaine et chrétienne.

Ce texte est à la fois très puissant et très facile à aborder. J’ai eu beaucoup de plaisir à le lire. Il est accessible à tout le monde, facile à partager. Il est riche aussi, car il sera source de méditation et d’approfondissement en église et au Secours Catholique.


Avez-vous noté des points saillants, des points sur lesquels le pape insiste particulièrement ?

V.F. : J’ai trouvé audacieux de la part du Saint-Père de faire référence à son amitié à l’imam el-Tayeb (Le cheikh égyptien Ahmed Mohamed el-Tayeb est depuis 2010 le 44ᵉ imam de la mosquée al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite – ndlr). Cela m’a déstabilisée au début et je pense que ça en déstabilisera plus d’un.

J’ai fait le lien avec le magnifique passage sur le bon Samaritain. Le bon Samaritain lui-même est une puissante provocation. Le pape rappelle l’histoire : il s’agit de deux Juifs, deux religieux, il insiste sur ce point, deux religieux qui passent leur chemin. Le Samaritain, lui, est un étranger, un impur et pourtant il va nous secouer.

En citant l’imam el-Tayeb à plusieurs reprises, le pape provoque, au sens prophétique du terme, il nous secoue, pour nous dire à la fin de l’encyclique que les religions peuvent être sources de paix.

Je trouve aussi magnifique la façon dont le pape nous rappelle fortement qu’il n’y a pas de guerre juste. A l’heure où il y a tant de guerres entre peuples ou différentes religions, où nous vivons dans un climat de violence et de terrorisme, le pape nous dit qu’un chemin de paix est possible entre les religions. Aujourd’hui, c’est vraiment prophétique.


Ce texte entre-t-il en résonnance avec la philosophie et l’action du Secours Catholique ?

V.F. : Oui, ce texte s’ajoute aux précédents et vient nourrir la pensée du Secours Catholique. Au Secours Catholique, nous vivons la proximité et l’amitié avec les pauvres, deux attitudes qui permettent d’apprécier leurs talents, leurs légitimes désirs et leurs manières propres de vivre la relation à Dieu ou à la nature.

Pour changer le monde, il faut commencer à changer notre cœur. Les personnes que nous rencontrons ne sont pas « des migrants » ou « des pauvres », elles ne sont pas des entités abstraites ou des catégories morales mais des personnes.

Le bon Samaritain a vécu cette amitié avec un pauvre homme blessé gisant dans un fossé.

Cette amitié sociale qui va jusqu’à la fraternité reçue de Dieu est très puissante. Elle nous rend capable de changer le monde et de changer l’Eglise. Elle nous engage à un plaidoyer vigoureux pour la justice !

L’encyclique nous encourage à vivre cette charité politique. C’est tout cela la Révolution fraternelle qui naît d’une culture de la rencontre et d’un vrai dialogue avec l’autre.

Crédits
Nom(s)
Propos recueillis par Jacques Duffaut
Nom(s)
© Xavier Schwebel/Secours Catholique - Caritas France
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