Charlie, 46 ans, Camerounaise : « J'ai l'impression de perdre mon identité »
« Je suis hébergée à Chrysalide depuis deux ans et demi. Ce devait être une étape, un passage… Mais ça dure… L’urgence ne devrait pas durer deux ans. Je supporte mal de devoir partager ma chambre avec une colocataire, le manque d’intimité m’atteint. J’ai conscience que sur le plan administratif et financier, je ne peux pas demander mieux. Mais à certains moments, j’ai l’impression de perdre mon identité.
J’ai quitté mon pays car j’y étais victime de rejet et d’injustices en raison de mon appartenance ethnique. Un poste d’assistante en gestion des ressources humaines m’a été refusé pour cette raison. Ne pas pouvoir exprimer mon potentiel dans mon propre pays, cela m’a révoltée. J’ai préparé mon départ pour la France pendant trois ans, psychologiquement et financièrement.
Mais une fois à Paris, ça a été la désillusion. Je devais attendre, tous les soirs, porte de la Villette, le bus social qui m’emmenait pour la nuit dans un centre à Nanterre. C’était très dur, on était tous mélangés, puis répartis en groupes de cinq ou six dans les chambres. Une fois obtenue ma domiciliation, j’ai été hébergée en hôtels sociaux. J’ai passé aussi cinq mois dans un centre d’hébergement géré par l’Armée du Salut.
Cette stabilité relative m’a permis de me poser et de réfléchir aux moyens de régulariser ma situation. J’ai réussi à me financer une formation d’auxiliaire de vie par correspondance, j’ai obtenu la certification, et je me suis mise en quête d’une promesse d’embauche. Mais la crise sanitaire est arrivée. Ça m’a beaucoup démoralisée.
Au bord de la dépression, j’ai malgré tout envoyé mon dossier à la Préfecture. J’avais besoin d’expliquer ma situation. J’attends toujours un éventuel rendez-vous. Je suis qualifiée, volontaire, mais à cause d’un bout de papier que je n’ai pas, je suis incapable d’apporter mes compétences, dans un secteur qui a pourtant besoin de monde. »