Tenin, 50 ans, Malienne : « Mes enfants n'ont rien fait pour mériter cette vie »

Thématique(s)
Paris
Chapô
Tenin a dû quitter le Mali, son pays, seule avec ses enfants. Sans repères, sans logement, elle en a perdu la garde et tente aujourd'hui d'espérer en un avenir meilleur à leurs côtés.
Paragraphes de contenu
Texte
Une femme de dos

 

« Il y a 5 ans, j’ai quitté le Mali, seule avec mes trois jeunes enfants. À Bamako, je me démenais pour les élever, après l’abandon par leur père. Je pensais comme tout le monde que je pourrais leur offrir une vie meilleure, ici en France.

Nous avons été hébergés à Paris par une « amie » qui tient un petit commerce. Je travaillais dans son épicerie, et j’étais censée être payée. Mais ça n’a pas été le cas. J’étais exploitée. Et la cohabitation entre mes enfants et les siens était très compliquée. Elle a fini par nous jeter dehors. Pendant deux mois, on a galéré. On dormait dans les hôpitaux, dans un local à poubelles, par terre, dans le froid…

Certains jours, je n’avais rien à donner à manger aux enfants. C’était trop. Je n’en pouvais plus. Il fallait que je les mette à l’abri. Sans rien leur dire, pour ne pas les effrayer, j’ai confié mes enfants à une cousine. J’ai survécu seule, dans le métro parisien. C’est là que j’ai rencontré un homme, que j’ai suivi jusqu’à Orléans. Ça pouvait être quelqu’un qui allait me couper la tête. Au final, j’ai eu de la chance : j’ai dormi chez lui, dans son canapé, il ne m’a rien demandé.

C’est une chance d’avoir un toit, un lit, des toilettes. Pour l’instant, je ne demande que ça.

 

Pendant plusieurs mois il m’a hébergée, puis j’ai été logée chez une connaissance à lui, et j’ai travaillé sans être déclarée comme aide cuisinière. J’avais peur de prendre des nouvelles de mes enfants, de connaître la réalité. Un jour, j’ai eu le courage de contacter ma cousine. Elle m’a dit qu’elle avait appelé l’Aide sociale à l’enfance, que les enfants avaient été placés, et qu’elle les recevait en visite les week-ends. Elle m’a encouragée à me rapprocher d’eux. Je me suis décidée, et je suis revenue à Paris. J’alternais séjours à l’hôpital pour des problèmes de santé et nuits en hôtel social.

Et puis un jour, j’ai eu cette place ici. C’est une chance d’avoir un toit, un lit, des toilettes. Pour l’instant, je ne demande que ça. Même si je voudrais être avec mes enfants. Je me suis battue pour obtenir un droit de visite. C’est vrai que j’avais complètement perdu mes repères de mère. Au Mali, on est plusieurs à éduquer les enfants, on a de l’aide. Ici, je suis seule, et je ne suis pas chez moi. Je m’inquiète pour mon fils aîné, qui décroche du collège. Mes enfants n’ont rien fait pour mériter cette vie... »

Crédits
Nom(s)
Clarisse Briot
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Elodie Perriot
Fonction(s)
Photographe
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