Yohann : « Basculer dans le non-recours aux droits, c'est très simple »

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Drôme
Chapô
Alors que la lutte contre le non-recours aux droits est devenue une priorité politique, Yohann, 32 ans, membre du collectif de la Huppe dans la Drôme, raconte la pression exercée sur les allocataires du RSA et la facilité avec laquelle on peut perdre ses droits.
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Texte

« Quand tu recours au RSA, on te demande d’indiquer tous les trois mois à la Caf et tous les mois à Pôle emploi si tu as travaillé, si tu as suivi une formation, si tu as perçu des revenus, si tu souhaites rester inscrit. Et, de temps en temps, tu es contrôlé, on te fixe des rendez-vous, on te demande des justificatifs.

En 2022, j’ai été convoqué par le département à un contrôle de mes droits et de mon parcours. Le ton du courrier est plutôt menaçant : « Attention, en cas d’absence à cet entretien ou de justificatif non fourni, une suspension de votre allocation sera prononcée. » Aujourd’hui, ils l’écrivent à la fin du courrier, mais avant c’était la première phrase.

Ils nous demandent d'apporter des documents qu'ils ont déjà en leur possession ou qu'ils pourraient se procurer facilement.
allocataire du RSA dans la Drôme.

Je n’ai pas eu le choix de la date du rendez-vous et je devais apporter une multitude de documents : ma carte d’identité et mon passeport (pour voir si je n’avais pas voyagé, je suppose), un éventuel jugement de séparation ou de divorce, mon dernier avis d’imposition, les relevés bancaires de tous mes comptes sur les six derniers mois, les attestations de présence et de rémunération lors des formations effectuées depuis deux ans, les contrats de travail et bulletins de paie des deux dernières années, mon bail et mes dernières quittances de loyer, mon contrat d’engagement réciproque passé avec eux…

Beaucoup de ces documents sont déjà en leur possession, ou ils peuvent les avoir facilement auprès de Pôle emploi ou des Impôts. En demander d’autres, comme les relevés bancaires sur six mois – où s’étale toute ma vie – est très intrusif.

Pressions

J’ai vraiment vécu cela comme une forme de contrôle fiscal, d’autant que la même année, j’ai dû faire une formation collective pour apprendre à utiliser mon espace Pôle emploi, ce qui est absurde car je travaille dans l’informatique, et j’ai dû répondre à trois entretiens obligatoires de Pôle emploi qui visaient à contrôler ma recherche de travail. Avec toujours cette menace de voir mon allocation suspendue si je n’étais pas coopératif.

Cette pression institutionnelle s’ajoute aux pressions familiales et sociales que l’on subit déjà lorsqu’on est au RSA. Finalement, pour basculer dans le non-recours, c’est très simple, il suffit, dans une période où vous n’allez pas bien, de ne plus vous rendre sur votre espace Caf, de ne plus remplir le formulaire d’actualisation trimestrielle, de ne pas répondre à une convocation… Ce système détruit des personnes qui sont déjà fragiles. Car lorsque tu te retrouves au RSA, généralement, tu ne vas pas bien. »

Lire aussi notre enquête : Comment agir face au non-recours ?

Crédits
Nom(s)
Benjamin Sèze
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Xavier Schwebel
Fonction(s)
Photographe
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