Séjour en Normandie : « Ici, j’oublie mes problèmes »

Dans l’un des petits restaurants du port de Fécamp, sur le littoral normand, des rires envahissent la salle. Une dizaine de personnes viennent de s’installer pour déjeuner. « Ça me fait plaisir : je n’ai pas souvent l’occasion d’aller au restaurant », confie Philippe, la cinquantaine. Comme lui, tous sont des habitués de “La Voûte“, un accueil de jour tenu par le Secours Catholique dans le 20ème arrondissement de Paris. Ils ont laissé derrière eux la capitale pour venir passer trois jours à la mer dans le cadre d’un séjour organiser par l’association. Entre deux rigolades, on commande des moules-frites et des crêpes.

Au programme de l’après-midi : visite du musée de la ville de Fécamp puis promenade sur le front de mer. La veille, le groupe est allé à la découverte des falaises d’Étretat. Pour ces personnes en situation de précarité ou d’isolement, cette virée sur la côte représente une véritable bouffée d’air frais. « La plupart n’ont pas les moyens de s’offrir des vacances, explique Philippe, bénévole. Pour eux, l’objectif premier de ce séjour c’est de quitter Paris et de se dépayser. »

Le musée se situe sur le port, dans une ancienne sècherie de morue. Sur le toit du bâtiment, un vaste belvédère fait face à la mer et permet d’admirer les falaises escarpées. « J’adore la nature, ici c’est merveilleux ! » lance Pierre, les yeux grands ouverts sur le panorama. Après avoir travaillé quelques temps dans un cirque comme garçon de piste, ce quinquagénaire touche désormais l’AAH (Allocation aux adultes handicapés). Ce séjour lui permet de rompre avec la solitude de son appartement parisien. « Ces vacances, c’est vraiment super : j’aime l’ambiance, les découvertes et le contact avec les autres ! »

Direction le front de mer. L’autre Philippe du groupe regarde l’océan en souriant. « On oublie complètement la ville. On se prendrait presque pour Robinson Crusoé sur son île ! » Ce cinquantenaire habite une pension de famille à Douai. Passionné de jeu de dames, il se rend souvent à l’accueil de jour de “la Voûte“ à Paris, qu’il côtoie depuis plusieurs années pour jouer. Ces quelques jours de vacances sont pour lui un moyen de créer des liens avec les autres : « Nous nous sommes tous rencontrés au Secours Catholique. Le fait de partir ensemble permet de mieux apprendre à nous connaître. »

Le groupe regagne le gîte : une longue maison au toit d’ardoise, isolée et entourée de verdure. « C’est un paradis ! » lance Mohamed, 67 ans. Cet ancien maçon habite un studio dans le 12ème arrondissement de Paris. Ce petit coin de nature lui évoque des souvenirs de son Algérie natale : « Je suis né en Kabylie, à la campagne. Ça me rappelle le pays ! confie-t-il. C’est magnifique de nous permettre de partir et de nous faire découvrir la France. » En ce début de soirée, rien ne semble pouvoir perturber le calme ambiant. Hormis les rires de la partie de pétanque qui vient de débuter. Un sport que Mohamed n’a pas l’occasion de pratiquer souvent. Peu importe : il s’est déjà autoproclamé « champion » !

Une fois le dîner terminé, les jeux de société remplacent rapidement les assiettes. Dominos, jeu de dames… la veille, tous sont restés à jouer et à discuter jusqu’aux premières heures du matin. Ce soir encore, le sommeil ne semble pas gagner le groupe…

Les premiers réveillés partent pour une promenade dans la nature rythmée par le chant des oiseaux. Une marche matinale qui permet à Arezki, 52 ans, de décompresser. Cet ancien travailleur dans le bâtiment est hébergé par Emmaüs à Paris. Depuis un accident qui l’empêche de travailler, il vit de l’AAH. « À Paris, je ne sors pas beaucoup et depuis que je ne peux plus travailler je n’ai pas le moral, confie-t-il. Mais ici ça change : je me sens bien, j’oublie mes problèmes. »

15h00. « On repart avec beaucoup de joie et beaucoup de santé » constate Mohamed. Alors que l’heure du départ approche, le groupe entend profiter du cadre idyllique jusqu’à la dernière minute. Une petite sieste sur l’herbe pour les uns. Une ultime partie de pétanque pour les autres. Tous repartent avec la tête pleine de souvenirs et, déjà, l’envie de revenir.