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© Christophe Hargoues

Dépasser l’urgence et mettre fin à la précarité alimentaire

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La précarité alimentaire n’est plus une urgence invisible. Elle s’installe au cœur de la société française. Derrière les chiffres, des vies bousculées. Près de 16 % de la population est touchée, et un quart des Français admettent sauter un repas faute de moyens. Au-delà de la faim, la précarité alimentaire se caractérise par un accès limité à une alimentation saine, variée et digne. C’est une fracture sociale profonde qu’il devient urgent de réparer.

Qu’est-ce que la précarité alimentaire ?

Contrairement à l’insécurité alimentaire qui est l’impossibilité d’accéder à une alimentation de manière suffisante, une personne est en précarité alimentaire lorsqu’elle n’a pas un accès durable à une alimentation de qualité, adaptée à ses besoins nutritionnels. Par exemple, c’est de ne pas pouvoir manger varié, de consommer des fruits et légumes chaque jour ou simplement faire trois repas par jour.

Il y a également une dimension sociale. Faute de moyens, beaucoup se tournent vers des produits bon marché et peu nutritifs. Jocelyne, mère solo au Havre, témoigne de sa situation : « en cumulant mon RSA, les aides de la Caf et l’aide au logement, je touche 1 148 euros par mois. Lorsqu’il me reste à peine pour moi et mes deux fils, je fais mes courses chez Aldi ou Lidl. Je prends la marque du magasin, même si ce n’est pas de la bonne qualité ».

C’est une réalité qui montre l’injuste prix de l’alimentation aujourd’hui. Certains quartiers et zones rurales sont considérés comme des « déserts alimentaires ». Le manque de mobilité des personnes en situation de vulnérabilité rend l’accès à une alimentation de qualité encore plus difficile.

Le manque de mobilité des personnes en zones rurales les rend particulièrement vulnérables pour accéder à une alimentation digne. © Christophe Hargoues

Qui sont les plus touchés par la précarité alimentaire ?

Les plus vulnérables économiquement sont les plus touchés par cette précarité. Parmi eux, les jeunes ne sont pas épargnés. 31,3 % des étudiants français vivent sous le seuil de pauvreté et peinent à se nourrir correctement. « Je ne faisais plus qu’un repas par jour », témoigne Kénaël, étudiant à Orléans. Il raconte son expérience avant de fréquenter Ésope, l’épicerie solidaire réservée aux étudiants dans le besoin. « Je ne dois plus me restreindre comme avant ». Aujourd’hui, grâce à ce soutien, il peut enfin se nourrir correctement sans se restreindre.

Les familles monoparentales sont également fortement exposées, avec 33,6 % d’entre elles en situation de précarité. On constate que les seniors et les ménages aux revenus très faibles subissent eux aussi de plein fouet cette réalité.

Quelles sont les causes de la précarité alimentaire ?

Le manque de moyens économiques en est la cause principale. Quand les revenus sont trop faibles, se nourrir correctement devient un défi quotidien. Depuis la crise sanitaire, l’inflation, et notamment la hausse des prix de nos produits alimentaires, a aggravé cette situation. Les fruits, les légumes, la viande et le poisson sont plus chers. De nombreux ménages sont alors poussés à revoir leurs habitudes de consommation.

Le loyer et l’énergie sont aussi des dépenses fixes qui aggravent le problème. Ces charges augmentent constamment. Face à cette pression, l’alimentation est généralement la variable d’ajustement. C’est le poste de dépense à réduire en priorité, privant parfois les assiettes de diversité et de qualité. Moins d’argent, moins de nourriture saine et des conséquences directes sur la santé.

Il y a aussi les dépenses exceptionnelles ou imprévues qui accentuent cette précarité. Sarah, étudiante boursière, nous confie, « j’ai dû meubler mon studio, régler les frais d’agence, les deux premiers mois de loyer. Ma mère ne pouvait pas m’aider. » Pour compenser, elle ne prenait qu’un repas par jour, sans viande ni poisson, pendant plusieurs mois.

Face à la pression économique l'alimentation est une des variables d'ajustement. © Christophe Hargoues

Quelles sont les conséquences de la précarité alimentaire ?

Chasse aux promotions, achats de produits en date courte, récupération des invendus des marchés, recours à l’aide alimentaire… Ces stratégies de « débrouille » sont des solutions temporaires, mais qui restent insuffisantes. Les personnes dans le besoin se tournent vers des produits bon marché, souvent pauvres en nutriments, au détriment des fruits, des légumes, de la viande et du poisson.

Les impacts sur la santé sont directs. La faim et la fatigue liées aux repas sautés se font ressentir. À plus long terme apparaissent des maladies et des carences comme le diabète, l’anémie, le déficit en vitamine ou le cholestérol. S’y ajoute généralement le poids social et psychologique. Ces personnes souffrant de précarité alimentaire ressentent l’isolement, la honte de ne pas pouvoir se nourrir correctement et la perte de dignité. Cela inflige ainsi une triple peine, physique, psychologique et sociale.

Quels sont les dispositifs mis en place pour lutter contre la précarité alimentaire ?

En France, un vaste réseau d’associations, de centres communaux et intercommunaux d’action sociale a mis en place des dispositifs pour répondre aux besoins alimentaires immédiats :

  • la distribution de colis alimentaires ;
  • l’accès à des épiceries sociales ;
  • les repas dans des restaurants solidaires ;
  • les maraudes alimentaires.
De nombreux bénévoles se mobilisent pour permettre à toutes et tous d'avoir accès à une alimentation digne. © Christophe Hargoues

Autour de ces actions, tout un accompagnement social est présent. Les nombreux bénévoles mobilisés dans cette lutte sont un soutien moral auprès des personnes bénéficiaires.

Les structures habilitées à l’aide alimentaire sont soutenues financièrement par l’État et l’Europe. Le Ministère des Solidarités et le Fonds social européen + (FSE+) financent quatre associations nationales (la Croix-Rouge française, les Banques Alimentaires, les Restaurants du cœur et le Secours populaire français) pour l’achat de denrées et la mise en place de programmes d’insertion.

Un large réseau d’acteurs est porteur d’initiatives, mais aussi des centaines de milliers de bénévoles sont présents au quotidien pour les mettre en œuvre. Guy, ancien paysan et bénévole au Secours Catholique, prend à cœur d’animer un jardin partagé à Verdun : « Je suis ancien paysan bio et j’ai envie de leur faire prendre goût au jardin. Mais l’important, c’est surtout de cultiver le plaisir et la fraternité ». Marie-Rose, 80 ans, y vient chaque semaine faire ses courses. « Je n’ai pas les moyens d’acheter ma nourriture dans les magasins. Cette épicerie m’aide beaucoup. C’est aussi le seul moment de la semaine où je rencontre des gens ».

Ce type d’initiatives montre combien l’aide alimentaire est un pilier de la solidarité et du lien social.

Les actions du Secours Catholique pour lutter contre la précarité alimentaire

Le Secours Catholique est engagé dans l’accès digne à une alimentation choisie, saine et durable. À travers ses actions, elle souhaite s’attaquer aux causes profondes de la précarité alimentaire, et pas seulement à ses conséquences.

L’association soutient activement un réseau d’épiceries solidaires, fixes, itinérantes ou mixtes. Ces lieux permettent aux bénéficiaires de choisir librement leurs produits à des prix accessibles (entre 10 et 30 % du tarif du commerce). C’est le cas d’Esope, une épicerie solidaire pour étudiants précaires, pensée comme un espace d’échanges et de convivialité. « Paradoxalement, ils ont beau être 20 000 réunis sur un campus, ils sont assez seuls », confie Emmanuel Barbier.

Dans la Vallée de la Meuse, une épicerie solidaire itinérante, lancée par le Secours catholique, propose exclusivement des produits frais et locaux.  © Christophe Hargoues

Sur le terrain, le Secours Catholique multiplie les initiatives locales :

À Clamart, l’association « Aux P’tits Pois » réunit les habitants et les personnes en précarité autour d’une agriculture locale. Le principe est le suivant : ceux qui ont les moyens paient leur panier 1 euro de plus. Et avec la participation du Secours, cela permet aux personnes en difficulté de ne payer que 20 % du prix du panier. Véronne, mère de jumeaux, témoigne : « Avant, j’achetais peu de légumes… Grâce à l’association, je peux désormais m’offrir des légumes délicieux et mes enfants mangent bien. »

Dans le Gard, la Roulotte des délices était à l'origine une cuisine itinérante qui faisait la promotion du « bien manger ». Aujourd'hui la démarche s'est développée à Vauvert notamment par la mise en place de panier de légumes solidaires. Toutes ces actions offrent aussi aux bénéficiaires un cadre d’écoute et d’entraide.

L’association agit aussi sur le terrain du plaidoyer citoyen avec son programme « Ensemble, bien vivre, bien manger » et le kit d’animation « Renverser la table », qui donnent la parole aux personnes concernées pour inspirer des politiques plus justes.

Pour soutenir l’accès à une alimentation digne pour tous, faites un don ou devenez bénévole auprès du Secours Catholique.