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L’injustice de la précarité étudiante

L’injustice de la précarité étudiante

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La précarité des jeunes est une réalité préoccupante en France. 1 étudiant sur 2 est contraint de cumuler études et emploi, avec des revenus souvent trop faibles pour vivre dignement. Cette double charge nuit à leur réussite, particulièrement en période d’examens : fatigue, stress, décrochage deviennent monnaie courante. La précarité étudiante pendant la crise sanitaire a marqué un tournant, et l’inflation n’a fait qu’aggraver la situation. Malgré les aides existantes, la précarité étudiante progresse, révélant l’urgence d’agir pour une jeunesse laissée pour compte.

La précarité étudiante, une urgence plus que financière

La précarité étudiante dépasse largement une simple question financière. Elle se manifeste par une instabilité des ressources, mais aussi par l’absence d’une ou plusieurs sécurités essentielles pour jouir de ses droits fondamentaux. C’est tout un ensemble de manque de garanties qui va créer une condition d’insécurité sociale.

Ce problème est structurel, et non une situation passagère. Si la précarité est généralement évaluée par le sentiment de ne pas avoir assez d’argent pour vivre décemment, elle comprend aussi d’autres formes de fragilisation. Dans le cadre de la précarité étudiante, renoncer aux soins de santé, avoir du mal à se loger, ne pas manger à sa faim ou encore ne pas assumer les coûts liés à la vie étudiante sont diverses situations de fragilité.

Les réalités multidimensionnelles de la précarité étudiante

Manger à sa faim, une lutte quotidienne pour de nombreux étudiants

Pour de nombreux étudiants, manger à sa faim est un défi quotidien. 18 % des jeunes déclarent avoir recours à l’aide alimentaire, d’après le baromètre IFOP/COP1 sur la précarité étudiante, soit près de 1 étudiant sur 5.

Chez les jeunes, les repas sautés, les portions réduites ou encore l’abandon de certains aliments plus chers comme la viande sont de plus en plus courants. Les restaurants universitaires (CROUS) sont jugés insuffisamment accessibles : entre files d’attente décourageantes et tarifs trop élevés, beaucoup n’en bénéficient pas pleinement.

précarité étudiante
Le Secours Catholique gère des distributions de paniers solidaires et des épiceries solidaires destinés aux étudiants précaires. © Christophe Hargoues

Face à cette urgence, la mise à disposition d’une épicerie pour étudiant en situation de précarité est l’un des dispositifs solidaires du Secours Catholique. Kénaël, étudiant à Orléans, témoigne : avec un budget mensuel de 80 à 100 euros, il lui arrive de ne manger qu’une fois par jour. « L’inflation nous a beaucoup touché. C’est très difficile pour nous les étudiants de manger à notre faim. On est obligé de se restreindre ». Depuis qu’il fréquente l’épicerie solidaire Ésope, il nous confie pouvoir mieux s’alimenter et se préparer des repas variés et consommer davantage de légumes.

Même constat pour Ahcene, en Master 2 au Havre, qui travaille 18 heures par semaine dans un hypermarché pour joindre les deux bouts. « Quand tu viens ici, tu sais qu’il va falloir faire des sacrifices », confie-t-il. Sa situation s'est améliorée depuis qu'il se rend ponctuellement à la distribution alimentaire du Secours Catholique

Se loger dignement, un luxe inaccessible pour beaucoup

Pour une grande majorité d’étudiants, le logement est la principale dépense mensuelle, mais aussi une source d’inquiétude financière. Se trouver un toit relève bien souvent du casse-tête : loyers élevés, pénurie de logements, l’exigence d’un garant. Habiter seul reste souvent hors de portée. Certains privilégient la colocation, une solution plus économique, mais parfois difficile à vivre, faute d’intimité. Payer son loyer devient une priorité, au détriment de l’alimentation et des loisirs. Et pourtant, ce sont 30 % des étudiants qui peinent à régler leur loyer à temps.

Quand la précarité impacte la santé mentale

La santé mentale des étudiants est un défi actuel majeur. Nombreux sont les jeunes qui renoncent à des activités essentielles à leur bien-être (sorties culturelles, activités sportives, moments de détente, vie sociale) par faute de moyens. Cette mise à l’écart sociale favorise la solitude, déjà très présente chez les étudiants : 41 % d’entre eux déclarent souffrir régulièrement d’isolement.

étudiant précaire
Depuis qu'il fréquente l'épicerie solidaire Esope, réservée aux étudiants précaires à Orléans, Kénahel dit mieux s'alimenter. © Gaël Kerbaol

Acheter à manger sans savoir si cela suffira jusqu’à la fin du mois est un stress quotidien. C’est un climat d’inquiétude constant qui pèse sur leur santé mentale. À cela s’ajoute un accès aux soins compliqué. De nombreux étudiants renoncent également aux soins médicaux ou aux suivis psychologiques trop coûteux.

Précarité menstruelle, une réalité ignorée

La précarité menstruelle est une forme de précarité souvent peu évoquée, pourtant elle est vécue au quotidien par de nombreuses étudiantes. Près d’une étudiante sur quatre (25 %) déclare manquer de protections périodiques, et 41 % ont déjà renoncé à une consultation ou à un soin gynécologique.

Ces difficultés sont principalement liées à des contraintes financières, mais aussi à la pénurie de professionnels de santé à proximité et à la difficulté d’obtenir un rendez-vous. Face à ce constat, il devient urgent de reconnaître pleinement cette forme de précarité et de renforcer les actions pour garantir aux étudiantes un accès équitable à l’hygiène menstruelle.

Face à l’urgence de la précarité étudiante, les aides demeurent insuffisantes

Les APL (allocations personnalisées au logement) et les services du CROUS (logement en résidences universitaires, restauration à prix réduit, bourses d’étude) sont les principales aides publiques dédiées aux étudiants. Si ces ressources viennent apporter un coup de pouce chaque mois, elles ne sont pas toujours perçues comme fiables. Les retards de versement ou les variations imprévues des montants viennent fragiliser la stabilité financière des étudiants bénéficiaires.

On constate également une méconnaissance des aides disponibles. Seulement 36 % des étudiants se jugent bien informés sur les aides auxquelles ils peuvent prétendre. C’est un frein à l’accès aux droits.

Aujourd’hui, une part importante du budget étudiant dépend de l’aide parentale. Mais en ce qui concerne les étudiants les plus modestes et éloignés du foyer parental, ils ne bénéficient pas de ce filet de sécurité.

Agir ensemble face à la précarité étudiante

Les associations jouent un rôle essentiel face à la précarité étudiante et se positionnent souvent comme une réponse de dernière instance. Le Secours Catholique est l’un de ces acteurs engagés, mobilisé aux côtés des jeunes les plus vulnérables. L’association apporte une aide concrète et variée : la distribution alimentaire, les épiceries solidaires, les aides financières pour le logement, les frais d’inscription ou encore le matériel universitaire. Elle crée aussi des lieux d’accueil pour briser l’isolement, comme avec le Fraternibus, un bus itinérant qui va à la rencontre des étudiants.

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À Lille, des bénévoles du Secours Catholique vont à la rencontre des étudiants en difficulté sur leur lieu d'étude. © Christophe Hargoues

En 2020, l’association a plaidé en faveur de la création d’un revenu minimum garanti pour les moins de 25 ans, afin d’assurer à chaque jeune un socle de dignité. Cette proposition est expliquée dans une enquête menée par le Secours Catholique sur la précarité des jeunes, à consulter pour mieux comprendre leurs difficultés. Car aujourd’hui encore, beaucoup ignorent leurs droits ou n’y ont pas accès.

Le témoignage de David, étudiant équatorien au Havre, montre ce soutien précieux dont il bénéficie. Grâce à la permanence sociale du Secours Catholique, il a trouvé une solution d’hébergement gratuite chez une dame âgée. Un « bon plan » inespéré, confie-t-il, après avoir dû quitter un logement trop cher et voir le soutien familial s’affaiblir.

Comme David, des milliers de jeunes sont aidés chaque année. Mais ces initiatives ne suffisent pas à combler les défaillances du système.

La précarité étudiante, profonde et multiforme, appelle une réponse collective urgente ! Garantir des conditions de vie dignes à tous les étudiants doit devenir une priorité. Engagez-vous aux côtés du Secours Catholique : faites un don ou devenez bénévole. Étudiants en difficulté ? Contactez nos équipes locales pour trouver aide et soutien.