Israël-Palestine : le cycle de la violence inquiète

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Pour les partenaires israéliens et palestiniens du Secours Catholique, la guerre qui a éclaté à Gaza au mois de mai n'est pas « un éternel recommencement », mais la dégradation supplémentaire d'une situation politique et humanitaire qui ne cesse d'empirer. L'absence de perspective pour les jeunes Palestiniens ne peut engendrer que le désespoir et la haine, préviennent-ils.
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Un membre de Caritas Jérusalem à Gaza en mai 2021.
Un membre de Caritas Jérusalem à Gaza en mai 2021. ©Caritas Jerusalem

« Le coût de la guerre à Gaza est dévastateur et est payé par les gens ordinaires », a rappelé le coordinateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, le Norvégien Tor Wennesland, à propos des onze jours de conflit qui ont ravagé l’enclave palestinienne au mois de mai.

« Aucun endroit n’était sûr pendant les bombardements israéliens », raconte Mahmoud Al Halimi, directeur de l’ONG Near East Church council (NECC), soutenue par le Secours Catholique, qui oeuvre à la formation professionnelle des jeunes et des femmes à Gaza.

« Beaucoup de nos étudiants ont dû quitter leurs maisons pour se réfugier dans les écoles de l’UNRWA [un organe des Nations unies, NDLR] ou chez des proches. Et pour nombre d’entre eux, leurs pères ont perdu leur emploi à cause de la destruction de dizaines d’usines et autres lieux de production. »

Ces dernières semaines, NECC a collecté des fonds pour pouvoir fournir une aide financière ou alimentaire aux familles précarisées.

sortir de Gaza

Autre partenaire du Secours Catholique, l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme Physicians for Human Rights-Israel (PHRI), a pu envoyer, grâce à la mobilisation de la société civile palestinienne en Israël, des médicaments et du matériel médical à Gaza. Selon Médecins sans frontières, une dizaine d’établissements de santé ont été touchés par les bombardements.

Après la guerre, 90 % des demandes de sortie pour raison médicale étaient refusées.
Dana Moss.


PHRI a également fait pression sur le gouvernement israélien, via un recours devant la Haute cour de justice, pour qu’il autorise à nouveau les personnes atteintes de cancer et suivant un traitement à Jérusalem Est, pour la plupart, ou en Israël à sortir de Gaza. « Pendant les onze jours du conflit, plus personne ne pouvait sortir, explique Dana Moss, membre de l’ONG en charge du plaidoyer international. Et après la guerre, 90% des demandes de sortie pour raison médicale étaient refusées, seuls les cas d’urgence vitale pouvaient franchir les check-points. »

La réouverture des points de passage vers Israël pour les patients malades d’un cancer est une petite victoire pour PHRI. Mais Dana Moss ne peut s’empêcher de relativiser au regard du « contexte global ». La jeune femme s’inquiète de voir la situation à Gaza empirer d’année en année.

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L’enclave palestinienne subit depuis 15 ans et l'élection du Hamas un blocus qui « a des conséquences très négatives sur tous les aspects de la vie », confirme Mahmoud Al Halimi, de NECC.

Il souligne la situation économique difficile, avec un taux de chômage à plus de 50 % (60 % chez les jeunes), l'impossibilité pour les personnes de circuler hors de Gaza, le blocage des marchandises à l’import et à l’export, le mauvais approvisionnement en électricité qui réduit ou empêche les activités économiques et commerciales…

La récente attaque contre Gaza a répandu un sentiment de frustration, d’insécurité et de valeur insignifiante de la vie.
Mahmoud Al Halimi.

 
« La récente attaque contre Gaza a ajouté un énorme fardeau aux personnes qui souffrent déjà, regrette Mahmoud Al Halimi. Cela a répandu un sentiment de frustration, d’insécurité et de valeur insignifiante de la vie, et a augmenté les facteurs de stress psychosociaux et la peur de l'avenir ».

Le directeur de NECC rappelle que « les jeunes de Gaza ont déjà vécu trois guerres en 2009, 2011 et 2014. La majorité de leur enfance a été passée dans des guerres et des escalades fréquentes qui ont laissé des cicatrices inoubliables dans leur mémoire, avec des souvenirs durs de perte de leurs proches et de destruction de maisons et de lieux aimés ».

colère

Sans espoir ni perspectives de vie, « les jeunes Gazaouis sont des cibles faciles pour les extrémistes », estime Harout Bedrossian, sous-directeur de Caritas Jerusalem qui intervient dans la bande de Gaza par le biais de cliniques mobiles.

À Ramallah, Mohammad Rabah, directeur du Cirque palestinien, fait le même constat : « Quand tu enlèves l’espoir aux jeunes, c’est la pire des choses. Les enfants grandissent ici avec un fort sentiment d’injustice. »

Les jeunes ne croient plus aux institutions.
Mohammad Rabah.


Les confrontations de ces dernières semaines, à Gaza, à Jérusalem, dans les villes arabes en Israël, ont été vécues par ces jeunes « de manière intense », observe Mohammad Rabah, qui prévient : « Le contexte d’occupation et les épisodes violents dont ils sont témoins ou victimes développent chez eux du stress, des traumatismes, mais aussi de la colère et une haine croissante envers les Israéliens. »

Ce trentenaire voit les nouvelles générations se radicaliser. « Ils ne croient plus aux institutions et adhèrent de plus en plus à l’idée, défendue par les extrémistes de tout bord, d’un conflit interreligieux. »

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Pour Harout Bedrossian, la guerre qui a éclaté à Gaza au mois de mai est différente des précédentes, car « elle a stoppé toute coexistence entre Israéliens et Palestiniens qui pouvait exister en Israël, spécialement à Jérusalem, Jaffa, Haïfa ou Tel Aviv. Les manifestations de soutien des Palestiniens vivant en Israël aux habitants de Gaza ont été perçues comme un acte de trahison par le reste de la société israélienne ».

Le cycle de la violence

Pour le sous-directeur de Caritas Jérusalem, toute possibilité de dialogue semble rompue. Pourtant, c’est, selon lui, la seule solution pour arriver à la justice et à la paix. « Sinon, le cycle de la violence va continuer en empirant. Après un calme relatif, nous aurons une nouvelle guerre à Gaza ou une nouvelle intifada. Et puis quoi ensuite ? La confiscation des terres et les violences commises contre les civils ne règleront jamais rien. »

Sans dialogue, assure-t-il, « il n’y aura pas de solution pacifique pour les générations futures ».

 

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Nom(s)
Benjamin Sèze
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Journaliste rédacteur
Nom(s)
Élodie Perriot
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Photographe
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