Le « bungalow », un refuge pour les proches de détenus

L’horloge affiche 15h20. « J’ai encore cinq minutes pour me refaire une beauté », lance Audrey, le regard bleu azur souligné par deux traits d’eye-liner, en filant à la salle d’eau, tandis que, sur une table, sa petite dernière, cinq ans, finit un dessin « pour papa ». La mère de famille a fait le voyage avec sa fille en bus jusqu’à la maison d’arrêt de La Roche-sur-Yon où son conjoint est incarcéré pour « encore deux mois ».
Elles sont arrivées une heure avant leur temps de visite. « Les horaires de bus et de parloir ne correspondent pas, explique la jeune femme. Je ne peux pas faire autrement, je n’ai pas de voiture ». Audrey et sa fille ont pris l’habitude de patienter « à l’aise » au « bungalow ». Un petit local en préfabriqué, adossé à quelques mètres de l’entrée de la prison. L’espace est animé par une vingtaine de bénévoles du Secours Catholique qui se relaient trois fois par semaine pour accueillir et orienter des familles et des proches de détenus. « C’est une prison pour hommes, précise Annie, une bénévole. Les personnes qu’on accueille sont en grande majorité des conjointes, des mères et de jeunes enfants ».
Un sas de décompression
Les personnes accueillies peuvent se faire aider pour remplir les demandes de parloir, confier leurs enfants aux bénévoles pendant les visites ou, tout simplement, se détendre. Car, un parloir peut être une épreuve. « Certaines familles arrivent la boule au ventre soit parce qu’elles ne connaissent pas le milieu carcéral soit parce qu’elles appréhendent les retrouvailles avec leur proche. Le bungalow est un sas de décompression pour elles », explique Philippe Uzureau, bénévole responsable, par ailleurs président de l’Union nationale des Fédérations Régionales des Associations de Maisons d’Accueil (UFRAMA). Selon lui, « maintenir les liens familiaux pendant une détention est fondamental. Ça permet de mieux préparer la sortie et la réinsertion du détenu ».
Assise dans un coin, Valérie boit un café en silence. Ces dernier mois ont été pour cette mère de famille comme la découverte d’un « autre monde ». « Au début, j’étais perdue. Je ne savais pas où je mettais les pieds, je ne connaissais pas le fonctionnement de la prison. J’ai tout appris ici », confie celle qui s’apprête à retrouver son fils. Elle ajoute : « Je ne parle pas beaucoup mais voir des visages familiers que je croise dans les couloirs de la prison et attendre ensemble avant les parloirs m’aide à moins stresser ». Derrière elle, sur un panneau en liège, des photos de l’intérieur de la prison sont épinglées. « C’est rassurant de voir à quoi ça ressemble. Ça n’a pas l’air si glauque ».
De bons conseils
Le « bungalow » fait le pont entre le « monde du dedans » et le « monde du dehors », poursuit Philippe Uzureau. En contact avec la direction de la maison d’arrêt, les bénévoles partagent des informations sur les détenus recueillies auprès des familles, voire signalent des situations de détresse pouvant mener à une tentative de suicide.
Les bénévoles facilitent également les relations entre les visiteurs et le personnel pénitentiaire. Méline se souvient de la fois où un gardien de la prison avait refusé de la laisser entrer avec un magazine d’histoire. « Les bénévoles étaient intervenus et il avait fini par accepter », raconte la mère de famille, en remplissant le formulaire qui fait l'inventaire des vêtements propres qu’elle a ramenés pour son fils. « Pas de bleu, pas de kaki [NDRL : couleurs se rapprochant de celles portées par les autorités], pas de vêtement à capuche. J’ai découvert toutes ces règles ici. Les bénévoles sont de bons conseils ».