À Marseille, les sans-abri à l’épreuve de la chaleur

« Est-ce que vous voulez une bouteille d’eau bien fraîche ? », propose Odile, un gilet frappé du logo du Secours Catholique sur le dos, aux personnes s’approchant de la camionnette floquée aux couleurs de l’association. « Ça tombe bien, celle qui me reste est chaude », lance Habib en sortant une bouteille quasi vide d’un sac de course. Pour échapper aux températures caniculaires qui sévissent à Marseille – comme ailleurs en France – depuis fin juin, l’homme qui dort dans un fourgon abandonné, écrasé par la chaleur, a passé la journée à la plage du Prado. « À piquer une tête dès que ça devenait infernal sur le sable », raconte l’homme de 52 ans, sans-abri depuis près d’un an. Il relève les manches de son t-shirt pour montrer des marques de bronzage sur ses bras et sa silhouette chétive. « Je suis passé de 84 à 63 kilos depuis que je dors dehors. Quand tu n’as pas de toit, tu souffres ! »
J'étouffe.
Passer ses journées à l’extérieur, sous le cagnard, « c’est épuisant à la fois physiquement et moralement », renchérit Mohamed, en récupérant de l’eau et un bol de soupe à l’arrière de la camionnette du Secours Catholique. L'homme de 40 ans, le visage barré par des lunettes rectangulaires, dort sous une tente posée sur un parking depuis quasi un an et demi. « Je reste toute la journée allongé dans des parcs, confie le sans-abri, qui souffre d’hypersudation causée par un problème digestif. Je ne peux pas me déplacer la journée à cause de la chaleur sinon j’étouffe ».
Durant la canicule, les nuits sont courtes et tout aussi éprouvantes. Comme nombre de personnes à la rue, Amir, installé dans un garage, dort très peu. « C’est le sauna à l’intérieur, raconte le sans-abri de 39 ans. Impossible d’y entrer avant minuit et d’y rester après six heures du matin ». À ses côtés, Sofiane dit manquer lui aussi de sommeil. Logé dans un hôtel social, il reste le moins possible dans sa chambre « Elle n'est pas climatisée , dit l’homme, qui fréquente les jardins publics, les centres commerciaux et les accueils de jour, à la recherche d’un peu de fraîcheur. Au moins là-bas il y a un peu d’air. »
Certains doivent marcher plusieurs kilomètres pour trouver un distributeur d’eau potable gratuit.
En période de fortes chaleurs, les personnes à la rue, logées dans des habitats précaires ou hébergées dans des foyers ou des hôtels sociaux – où il fait souvent chaud – sont particulièrement exposées au risque de déshydratation, de coups de chaleur et de grande fatigue. Tout au long de l’été, des bénévoles du Secours Catholique restent mobilisés pour leur venir en aide. À Marseille, ils sont près de deux cents à se relayer pour aller chaque soir à la rencontre des plus démunis et leur apporter un repas complet, du réconfort et des conseils. « On leur rappelle qu’il est important de boire régulièrement. Certains oublient », précise Robert, un bénévole et ancien responsable de la tournée de rue. Malgré l’installation de fontaines publiques supplémentaires, l’accès à l’eau reste compliqué dans la cité phocéenne. Dans le sud de la ville, parcouru par la « maraude » du Secours Catholique, seuls trois points d’eau sont accessibles de jour comme de nuit. « Certains doivent marcher plusieurs kilomètres pour trouver un distributeur d’eau potable gratuit, poursuit le bénévole. Cela leur demande beaucoup d’énergie ».