Robert, bénévole : « Voir une femme et des enfants à la rue est devenu une normalité »

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Bouches-du-Rhône
Chapô
Ancien responsable de la tournée de rue du Secours Catholique à Marseille, Robert se consacre depuis deux ans à la défense du droit à l’hébergement ou au logement des personnes sans domicile fixe, de plus en plus nombreuses, au sein de la permanence juridique locale. Le bénévole de 59 ans témoigne.
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Texte
robert bénévole du secours catholique à Marseille auprès des personnes à la rue
Robert a rejoint le Secours Catholique il y a une dizaine d'années pour venir en aide aux personnes à la rue.

« J’ai intégré le Secours Catholique et l’équipe mobile il y a dix ans, encouragé par un ami, lui-même bénévole au sein de la l’équipe de la tournée de rue. À cette époque-là, je travaillais comme responsable d’un centre d’appel. Je voyais de nombreux employés, notamment des étudiants et des jeunes travailleurs, galérer à se loger, mais, je ne connaissais pas particulièrement le sujet du sans-abrisme.

Des lignes rouges ont sauté. 

Sur le terrain, on est aux premières loges pour observer l’aggravation de la crise du logement et de l’hébergement d’urgence. Les bénévoles qui tournent chaque soir rencontrent aujourd’hui plus de cent personnes par soir. C’est deux fois plus que lors de mes premières tournées. Ils croisent tellement de personnes à la rue que c’est devenu impossible de retenir le nom de tout le monde. Dans ces conditions, il devient de plus en plus de difficile de remplir notre mission, c’est-à-dire de créer un premier lien ou de maintenir une relation de confiance avec des personnes marginalisées, souvent éloignées des dispositifs d’aide sociale.

Au fil du temps, j’ai aussi vu les profils des personnes à la rue changer. Au départ, je rencontrais principalement des hommes avec de long parcours d’errance. On les connaissait bien, c’était des « habitués ». Il y a dix ans, c’était impensable qu’une femme enceinte reste dormir dehors. Mais aujourd’hui, c’est devenu une normalité de voir une femme et des enfants à la rue. Des lignes rouges ont sauté. C’est le résultat du désengagement de l’État.

La rue est trop dangereuse pour les femmes et les enfants.

En voyant un public si vulnérable aussi touché, j’ai décidé de quitter mon poste de responsable des tournées de rue pour me consacrer à la recherche de solution d’hébergement ou de logement. Il y a deux ans, j’ai rejoint la permanence juridique au sein de l’accueil de jour Béthanie. J’accompagne des personnes à la rue ou mal logées dans leur recours pour faire valoir leurs droits. On a des outils juridiques qui marchent mais les procédures prennent trop de temps.

Pour moi, la priorité est de mettre à l’abri les femmes isolées et les mères avec leur enfant. Il est urgent de les sortir de là, la rue est trop dangereuse pour eux. 100% des femmes qui ont passé au moins une année à la rue ont été victimes de viol.

Depuis le début de l'année, avec mon équipe, nous avons réussi à trouver un hébergement à quelques familles. Mais c’est une goutte d’eau. À Marseille, 100 ménages appellent le 115 chaque jour. C’est sans compter ceux qui n’arrivent pas à joindre le Samu social et ceux qui n’appellent pas. » 

Crédits
Nom(s)
Djamila Ould Khettab
Fonction(s)
Journaliste
Nom(s)
Anthony Micallef
Fonction(s)
Photographe
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