À Calais, un instant de répit pour les migrants

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Des centaines de personnes migrantes survivent près de Calais dans des conditions extrêmement difficiles, nourrissant l'espoir de pouvoir rejoindre le Royaume-Uni ou d'être régularisé en France. Deux lieux, rassemblant plusieurs associations dont le Secours Catholique, leur ouvrent quotidiennement leurs portes.
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Confrontés quotidiennement à l'urgence humanitaire, les associations calaisiennes d'aide aux migrants ont vu s'ouvrir, il y a un peu plus d'un an, une Maison d'entraide et de ressources (MER). Cette structure, portée par le Secours Catholique, accueille plusieurs autres organisations, qui disposent de bureaux en son sein. « C'était essentiel, Calais manquait jusqu'ici de lieux pour nous réunir et nous organiser ensemble », salue Antoine, animateur au Secours Catholique. Cette maison, qui s'ajoute au seul accueil de jour que compte la ville, doit permettre, de façon complémentaire, un accompagnement dans la durée, notamment pour les exilés souhaitant être régularisés en France. « Si on leur offrait des conditions dignes, beaucoup de personnes resteraient ici » plutôt que de tenter de traverser la frontière, souligne l'animateur. Depuis l'an dernier, et « le durcissement des conditions pour obtenir l'asile au Royaume-Uni », il constate que « de plus en plus de gens à Calais réfléchissent à des possibilités d'asile en France ».   

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À la Mer, à Calais, la maraude se prépare.
Heure ou date
9H
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Des bénévoles s'activent devant l'accueil de jour et ses murs colorés. Ils s'apprêtent à partir en maraude, au sein de plusieurs campements d'exilés formés aux alentours de Calais. « Nous proposons du thé, du café, évaluons d'éventuels besoins de prise en charge d'urgence et délivrons des informations sur ce que proposent différentes associations d'aide aux personnes migrantes », explique Mathieu, bénévole au Secours Catholique.

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Leçon de français à la Mer, à Calais.
Heure ou date
11H
Description

« Wahid, Ithnan, tlata... », « un, deux, trois… » : à la Maison d'entraide et de ressources, Hassan, demandeur d'asile et bénévole, donne un cours d'arabe à Carole, Calaisienne retraitée. Elle se rend régulièrement à la chorale qui se réunit de temps en temps dans la Maison pour chanter en arabe. Des permanences juridiques et des cours de français sont également proposés aux exilés. Ce matin, un homme aurait dû en bénéficier. Il n'a pas pu se présenter. « S'il était hébergé, il aurait pu venir », soupire Antoine, qui déplore le manque de solutions d'hébergement pérennes à Calais. Dans la rue, les conditions de survie sont harassantes. Les autorités empêchant systématiquement des campements de se former, les exilés sont ballottés au gré des expulsions. « C'est très difficile de suivre des activités de manière régulière dans ces conditions », souligne Antoine.

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Un jeune Égyptien accompagnée par le Secours Catholique, à la Mer, à Calais.
Heure ou date
11H30
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« J'ai changé d'avis, je veux essayer de me régulariser ici ». Ahmad*, jeune égyptien de 20 ans, raconte, entre deux bouchées de biscuit au chocolat, l'abandon de son rêve d'exil en Angleterre. « Les passeurs demandent tellement d'argent pour la traversée, et je ne suis même pas sûr d'y arriver », souffle-t-il. À Calais depuis quelques semaines, il a poussé ce matin la porte de la maison « un peu par hasard », cherchant à charger son téléphone. « J'appelle ma famille », sourit-il. C'est pour elle qu'Ahmad se retrouve à Calais aujourd'hui. « Ma famille est très pauvre. Moi, je ne trouvais pas de travail en Egypte, alors je suis parti ».

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Brief entre salariés et bénévoles à l'accueil de jour de Calais.
Heure ou date
13H
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Retour à l'accueil de jour, un peu avant l'ouverture, pour un brief entre les salariés et les bénévoles. Distribution d'eau et de café, tenue d'un point d'information administratif et pratique (sur les lieux de distribution d'eau et de nourriture dans la ville, les endroits où prendre une douche)… les rôles sont répartis entre les personnes présentes.

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Un exilé dans la cour de l'accueil de jour tenu par le Secours Catholique à Calais.
Heure ou date
13H30
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Les portes s'ouvrent. Plusieurs dizaines de personnes viennent trouver un peu de répit, de quoi charger leur téléphone, laver leurs vêtements, jouer au foot ou simplement discuter autour d'une partie de carte. Des bénévoles circulent entre les petits groupes. Plusieurs associations interviennent sur le lieu, comme La Croix Rouge, venue aujourd'hui mettre à disposition des téléphones pour permettre aux exilés d'appeler leurs proches. « Une des vertus de ce lieu, c'est qu'en discutant avec les gens, on peut déceler d'éventuels besoins et les renseigner directement sur place », explique Nuage, salariée de l’association.

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Un exilé syrien à l'accueil de jour de Calais.
Heure ou date
15H
Description

« Ici, j'ai pu trouver de l'aide », salue Hussein*. Ce trentenaire vient à l'accueil de jour « dès qu['il] peut ». Parti de Syrie en 2018 pour fuir la guerre, il témoigne de sa sensation « d'être perdu » après plusieurs années de migrations à travers la Turquie et l'Italie. «Que vais-je faire maintenant, aller en Angleterre, rester ici ? Je n'en ai aucune idée », admet-il. Il finit sa cigarette, et se met à pleurer en évoquant son fils resté en Syrie. « Il me manque, et lui me connais à peine », renifle-t-il. Il s'excuse en essuyant son visage. « Grâce à l'association Médecin sans frontières, j'ai pu voir un psychologue et parler de moi », poursuit-il. «J'ai pu avoir la sensation que je ne suis pas oublié ».

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Omar, exilé soudanais, dessine un "souvenir" de son pays natal.
Heure ou date
15H30
Description

Dans une salle au calme, Omar* dessine « un souvenir », une rivière de son Soudan natal, laissée derrière lui il y a deux ans. « Ici, je peux changer d'air, d'air mental », lance-t-il, en pointant sa tête du doigt. « Quand vous êtes seul, sans grand chose à faire, loin de votre pays, de vos proches, vous gambergez, et vous en souffrez », décrit-il. « Les personnes que nous recevons sont souvent dans des situations administratives complexes », étaye Antoine. Conséquence, elles se retrouvent dans l'attente : d'une occasion de passer la frontière, d'un changement administratif. Cela peut prendre des mois. « Que ce soit dans ce lieu ou bien à la Maison d’entraide, le but est d'offrir à ces personnes un peu de pouvoir d'agir, de reprise de contrôle sur cette attente », poursuit l'animateur.

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Mathieu, kiné et bénévole  à l'accueil de jour de Calais.
Heure ou date
16H
Description

Au milieu des allées et venues, rythmées par le son des dominos qui claquent sur les tables, on retrouve Mathieu, le bénévole parti ce matin en maraude. Cet après-midi, ce kinésithérapeute qui a voulu prendre « une pause » dans son activité pour « venir aider » à Calais propose des massages, dans une petite cabine installée à côté de l'espace de l'accueil dédié au repos. « Beaucoup de gens ont des problèmes de dos ou mal au pied en raison de leurs conditions de vie difficiles », constate-t-il.

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Une femme exilée, en attente de régularisation, à Calais, et bénévole à l'accueil de jour.
Heure ou date
17H
Description

L'accueil de jour reçoit également des femmes exilées, dans un espace qui leur est réservé. À l'approche de la fermeture du lieu, Paula* fait un brin de ménage. En attente d'une régularisation, elle a, elle aussi, voulu donner de son temps. « Déjà, cela me fait me sentir utile, et puis cela montre que je suis prête à travailler », expose la jeune femme. « Et quand on fait du bien aux autres, c'est aussi à soi qu'on en fait », conclut la bénévole au sourire franc. Une autre femme s'apprête à quitter le lieu. « Merci », dit-elle à voix basse à l'équipe en sortant de l'accueil de jour. Elle sera bientôt suivie par des dizaines d'autres personnes, retournant en petit groupe vers les rues de Calais, après un court moment de répit.

Texte SEO

*Pour préserver l'anonymat des personnes interrogées, les prénoms ont été changés. 

 

 

Crédits
Nom(s)
Lola Scandella
Fonction(s)
Journaliste rédactrice
Nom(s)
Mathieu Génon
Fonction(s)
Photographe
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