Municipales 2026 : « faire avancer concrètement le droit à l’alimentation »
Entretien avec Marie Drique, responsable "Accès digne à l'alimentation durable" au Secours Catholique
Secours Catholique : Un an après la sortie du rapport « L’injuste prix de notre alimentation : quels coûts pour la société et la planète », et le lancement concomitant de la mobilisation « Tout le monde à table », quelles retombées constatez-vous ? Quels sont les motifs de satisfaction au regard des objectifs de cette campagne ?
Marie Drique : Nous sommes très satisfaits ! On ne s’attendait pas à ce que ce rapport trouve autant d’échos. Et en même temps nous savions qu’il était attendu par la société civile, au sens où jusque-là, il n’existait aucune donnée chiffrée pour la France de ce que coûte notre alimentation en termes d’impact sur la santé, sur l’environnement et sur la société. Cette attente n’a pas été démentie puisque le rapport est effectivement devenu un document de référence, cité très régulièrement tant par les acteurs de la société civile qu’institutionnels pour argumenter autour des orientations pour l’agriculture et l’alimentation de demain. Ce document a amené des faits objectifs permettant d’affirmer que contrairement à ce qu’on nous dit, ce n’est pas la transition qui va coûter cher, mais bien de ne pas la faire, quand on voit ce que l’on paye après être passé en caisse.
En particulier, nos constats ont été très utiles dans le cadre de la consultation sur la Snanc (Stratégie nationale de l’alimentation, de la nutrition et du climat) : nous avons pu peser sur certains arbitrages, pour qu’ils réintègrent la question de la publicité sur les produits trop gras et trop sucrés pour les enfants, celle d’investissements à faire sur des projets d’accessibilité à une alimentation de qualité, ou encore de l’enjeu de l’encadrement des prix et des marges sur les produits durables. C’est donc une grande satisfaction de voir que le rapport est devenu incontournable, venant nourrir le débat public, mettre des sujets à l’agenda et infléchir certains dossiers politiques importants.
Plus de 100 évÉnements de sensibilisation ont eu lieu dans plus de 50 départements.
Autre motif de satisfaction : l’appropriation de ce sujet complexe par nos réseaux de bénévoles. Depuis un an, plus de 100 événements de sensibilisation et de vulgarisation autour du rapport ont eu lieu dans plus 50 départements. Cela signifie que des milliers de personnes (bénévoles, citoyens, élus…) se sont mobilisées pour faire découvrir ce rapport, et parfois peser sur certains enjeux locaux. On a ainsi pu légitimer et faire reconnaître le positionnement du Secours Catholique sur la défense d’un droit à l’alimentation, et notre constat que sans relier les sujets santé, écologie et accessibilité, on ne répondra pas à la problématique d’une alimentation saine et durable pour tous.
S.C. : L’un des temps politiques forts de 2026 sera les élections municipales. Pourquoi y inscrire la mobilisation et comment comptez-vous peser sur les programmes ?
M. D. : Les élections municipales sont la suite logique de la mobilisation de nos quatre réseaux partenaires, qui ont chacun un maillage territorial fort. L’échelle locale est importante pour faire advenir concrètement des changements. Les communes, intercommunalités et Epci (Établissements public de coopération intercommunale) ont des compétences non pas directement sur l’alimentation mais dans de nombreux champs qui peuvent agir sur l’accessibilité financière, la durabilité, et l’accès à une offre alimentaire de qualité. Par exemple, les collectivités ont des compétences en matière d’urbanisme et d’action sociale, et elles ont également une capacité d’action sur ce qu’on pourrait appeler le dynamisme démocratique.
Nous sommes 12 associations qui ont décidé de rassembler leurs forces.
Et désormais, « en face », il y a un réseau prêt pour débattre du sujet. Nous allons aider ce réseau à orienter ses actions de sensibilisation vers les candidats aux élections, puis vers les nouveaux élus. Pour ce faire, nous avons élargi nos alliances : nous sommes maintenant 12 associations nationales (dans les domaines de la santé, du social, de l’agriculture) qui ont décidé de rassembler leurs forces pour affiner des recommandations et accompagner les acteurs locaux afin qu’ils les portent sur leurs territoires. Bien sûr, il s’agit aussi d’occuper l’espace médiatique et d’affirmer que les municipales sont l’occasion de faire avancer concrètement le droit à l’alimentation sur les territoires.
décryptage en chiffres : Bien manger, quand on veut, on peut ?
S.C. : Quelles sont les principales recommandations que vous portez dans la perspective de ces municipales ?
M. D. : Nous sommes tombés d’accord sur dix recommandations, à partir de phases de débats dans nos associations. Elles traitent de quatre sujets : d’abord celui de l’accessibilité financière à une alimentation de qualité, avec des propositions invitant par exemple à un changement dans la restauration collective, assorti d’une tarification sociale à mettre en place par les maires.
Des recommandations concernent également les marges de manœuvre des élus locaux pour influer sur l’offre alimentaire des territoires : comment privilégier des commerces de proximité qui ont une offre durable et de qualité et en même temps une moindre exposition à ce qui nous incite à aller vers d'autres offres, comme la publicité.
Un autre axe de nos recommandations touche à la démocratisation : comment impliquer davantage les citoyens sur ces enjeux-là et à une échelle locale permettant d’être concret, afin de redynamiser le politique dans le moment de panne démocratique que nous traversons ? Enfin, sur la dimension agricole, nous faisons des propositions en termes de préservation des terres et de soutien à des modèles agroécologiques.