Philippe, bénévole : « Faire famille malgré la détention »

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Philippe, 68 ans, est bénévole responsable du "Bungalow", un accueil du Secours Catholique dédié aux familles de détenus à La Roche-sur-Yon. Il témoigne.
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Texte

« Un jour, j’ai été amené à visiter une personne incarcérée à la Maison d’arrêt de Nantes. J’y ai croisé une assistante sociale qui disait ne pas comprendre pourquoi il fallait accueillir et accompagner les familles de détenus. Elle disait aussi ne pas vraiment croire à la réinsertion des personnes incarcérées. Ces paroles m’ont marqué. J’ai décidé de m’engager. C’était il y a vingt-cinq ans. J’ai rejoint l’équipe du "Bungalow", un lieu d’accueil des proches de détenus du Secours Catholique à La Roche-sur-Yon (Vendée). À l’époque, j’étais père au foyer, j’élevais mes trois enfants. Devenir bénévole était aussi l’occasion de reprendre une activité en faisant quelque chose d’utile de mon temps.

philippe assis à côté d'une mère et sa fille qui attendent un parloir
« Les familles de détenus ont besoin d'être rassurées et orientées ».

Le "Bungalow" est un sas de décompression pour les familles qui rendent visite à leur proche, détenu à la Maison d’arrêt de La Roche-sur-Yon. On les accueille avant et après les parloirs. Beaucoup de familles ne sont jamais entrées dans une prison, elles ne savent pas vraiment comment se passe un parloir, à qui donner le permis de visite, qu’est-ce qu’elles sont autorisées à apporter. Elles ont besoin d’être rassurées et orientées. C’est notre rôle, on se doit de connaître les règles de fonctionnement du milieu carcéral. Il y a aussi des familles qui vont se présenter au "Bungalow" sans dire un mot, elles viennent juste prendre un café en attendant les retrouvailles avec leur proche. Certaines finissent par se confier. Nous sommes à l’écoute.

Parfois, des familles se plaignent de la violence, de la promiscuité et de la surpopulation dans la prison. À La Roche-sur-Yon, il y a 90 détenus pour 39 places. Nous avons des contacts réguliers avec la direction de l’établissement pour faire le pont entre les familles et le personnel pénitentiaire. On échange des informations. On peut même signaler des situations de détresse pouvant mener à une tentative de suicide.

Ce qui me pousse à poursuivre mon engagement après vingt-cinq ans ? Voir la souffrance que peut provoquer la séparation d’une famille, d’un couple, des enfants avec leurs parents, liée à une incarcération. Pour certaines personnes, le choc carcéral est aussi douloureux qu’un deuil. Permettre aux familles de rester unies même pendant la détention est essentiel pour le retour à la vie réelle des personnes détenues et pour prévenir la récidive. Les personnes en détention devraient être l’affaire de tous. Elles vont un jour sortir de prison, qu’est-ce qu’on souhaite : qu’elles récidivent, qu’elles soient mises de côté ou qu’elles retrouvent une place dans la société ? Il faut tout mettre en œuvre pour que leur retour se fasse le mieux possible. » 

Le « bungalow », un refuge pour les proches de détenus

Crédits
Nom(s)
Propos recueillis par Djamila Ould Khettab
Nom(s)
Xavier Schwebel
Fonction(s)
Photographe
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