
Trêve hivernale : ce que vous devez savoir
Chaque année, pendant que l’hiver s’installe, la trêve hivernale est une période importante pour les personnes en situation de précarité. En France, cette mesure de protection sociale suspend les expulsions locatives entre le 1er novembre et le 31 mars, afin de préserver les personnes vulnérables des conséquences dramatiques d’une mise à la rue en période de froid. Mais que recouvre exactement cette trêve ? Quels sont ses limites et les recours possibles ? Le Secours Catholique vous informe et rappelle son engagement aux côtés de celles et ceux en difficulté face au logement.
Définition et dates clés de la trêve hivernale
La trêve hivernale est une période durant laquelle aucune expulsion de locataires n’est possible. Même si une décision judiciaire a été prononcée, les procédures menées par les propriétaires sont suspendues. Elle commence à partir du 1er novembre jusqu’au 31 mars de l’année suivante.
Cette mesure est apparue suite à l’appel lancé par l’Abbé Pierre en février 1954, en faveur des sans-abris, lors d’un hiver particulièrement rigoureux. Elle a été ensuite inscrite dans la loi en 1956 afin de protéger les personnes les plus vulnérables contre les conséquences dramatiques d’une expulsion, notamment lors d’un Plan Grand Froid.

Durant cette période, les fournisseurs d’énergie ne peuvent pas interrompre l’alimentation en gaz ou en électricité des résidences principales pendant cette période, même si la puissance peut être réduite. Quant aux coupures d’eau, elles sont interdites toute l’année.
En cas de circonstances exceptionnelles, le gouvernement peut décider de prolonger cette trêve au-delà de la date prévue. C’était le cas lors de la crise sanitaire liée au Covid-19.
Quelles sont les exceptions à la trêve hivernale ?
Certaines situations précises ne protègent pas les occupants d’un logement durant la trêve. C’est le cas des personnes pour lesquelles une solution de relogement adaptée à leur situation familiale a été proposée. Les résidents d’un immeuble touché par un arrêté de mise en sécurité (situation de danger imminent ou d’insalubrité) peuvent également être évacués immédiatement, sans attendre la fin de la trêve.
Les squatteurs occupant illégalement une résidence principale ou secondaire après y être entrés par effraction ne sont pas protégés. Pour les occupations illégales de locaux non destinés à l’habitation (garages ou terrains, par exemple), le juge peut décider de limiter ou de lever l’effet de la trêve selon les circonstances.
Les situations où les conjoints ou époux sont violents, les personnes peuvent être expulsées du domicile familial sur décision du juge aux affaires familiales, dans le cadre d’une ordonnance de protection ou d’une procédure de divorce.
Les occupants logés en résidence universitaire (CROUS) qui ne remplissent plus les conditions d’attribution sont également concernés.
Toutes ces exceptions à la trêve hivernale ne peuvent être appliquées sans l’intervention du juge. Une décision judiciaire motivée doit avoir lieu pour autoriser une expulsion pendant cette période, sauf en cas d’arrêté de péril où l’évacuation peut être immédiate.
Les droits et obligations des propriétaires pendant la trêve
Durant cette période, l’exécution physique des expulsions est suspendue. Mais cela ne signifie pas que les démarches judiciaires sont interdites.
Le propriétaire conserve son droit d’agir et d’engager des procédures sur le plan légal. Il peut notamment :
- adresser un commandement de payer en cas de loyers impayés ;
- saisir le tribunal judiciaire pour engager ou poursuivre une procédure d’expulsion ;
- obtenir un jugement ;
- faire intervenir un commissaire de justice pour signifier des actes (décision de justice, commandement de quitter les lieux) ;
Aucune expulsion ne sera réalisée avant la fin de la trêve. Il est formellement interdit au bailleur de tenter une expulsion par ses propres moyens, de changer les serrures ou de couper les fluides (eau, gaz, électricité). De tels agissements sont passibles de sanctions pénales sévères : jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Les droits et recours des locataires pendant et après la trêve
Le locataire reste protégé d’une expulsion physique durant les 5 mois, même si une procédure d’expulsion est en cours. C’est un moment de répit précieux pour trouver des solutions.
Il est possible de solliciter des délais (de 3 mois à 3 ans) auprès du juge de l’exécution. Un recours est recommandé notamment si le locataire est en situation de précarité, s’il a des enfants à charge ou s’il est en attente d’un relogement.

Si le jugement d’expulsion n’est pas définitif, faire appel suspend la procédure. Le locataire peut aussi éviter l’expulsion en réglant la dette locative avant l’intervention du commissaire de justice.
Un autre recours face à une expulsion est la saisie du préfet dans le cadre du Droit au Logement Opposable (DALO). Cette démarche peut retarder l’expulsion tant qu’un relogement n’est pas proposé.
Il est important de ne pas rester seul face à ces difficultés : agir rapidement augmente les chances de trouver une issue favorable.
De nombreux organismes et associations, comme le Secours Catholique, apportent une aide précieuse et accompagnent les locataires en situation de difficulté :
- les services sociaux de la mairie ou du département ;
- les Agences Départementales d’Information sur le Logement (ADIL) via le numéro SOS Loyers Impayés (0805 16 00 75) ;
- la Fondation Abbé Pierre et sa plateforme « Allô Prévention Expulsion » (0805 299 049) ;
- les Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) ;
- les aides au logement (APL, ALS, ALF) via la CAF ou la MSA ;
- Action Logement pour les salariés et demandeurs d’emploi.
Le dialogue avec le bailleur est également important. En reprenant, même partiellement, le paiement du loyer témoigne d’une bonne foi.
Préparer l’avenir au-delà de la trêve hivernale
Le 31 mars marque la reprise possible des expulsions, une période souvent vécue avec angoisse par les personnes concernées. Pauline, expulsée avec son conjoint et leurs deux enfants de l’appartement qu’ils sous-louaient depuis sept ans, nous confie : « Tout est chamboulé. On va aller où ? Les enfants sont traumatisés. Je n’arrive pas à répondre à toutes leurs questions. Les solutions d’hébergement qu’on nous a proposé sont à 1 h 30 de leur école et de mon travail. »

Chercher des solutions dès l’hiver permet de mieux se préparer, car même après la trêve, les expulsions restent soumises à l’encadrement des loyers. Le locataire dispose d’un délai de deux mois après le commandement de quitter les lieux.
Le Secours Catholique reste mobilisé tout au long de l’année pour accompagner les personnes fragilisées : prévention des impayés, accompagnement juridique, recherche de solutions d’habitation pérennes.
Ange, logée en CHRS depuis 2015, témoigne suite aux conseils juridiques du Secours Catholique dont elle a bénéficié : « j’ai une lettre qui me dit que la préfecture doit me reloger d’urgence. Je n’ai eu à ce jour aucune offre. C’est ridicule : d’un côté le préfet me demande de partir, de l’autre il doit me reloger. Le Secours Catholique m’a conseillé de faire un recours indemnitaire auprès du tribunal administratif et m’a donné des adresses d’avocats. En attendant, je sors de chez moi avec la peur au ventre. Je n’ose pas imaginer l’avenir. Je voudrais juste avoir l’assurance d’habiter quelque part — tout simplement de vivre. »
Au-delà de l’urgence, le Secours Catholique œuvre pour un logement digne et une réelle insertion sociale.
La trêve hivernale agit comme une bulle de protection pour les locataires les plus fragiles. Mais cette pause (particulièrement bienvenue) ne résout pas les problèmes de fond. Face à cette situation, ne restez pas seul. N’hésitez pas à contacter le Secours Catholique ou d’autres organismes d’aide pour être accompagné et conseillé durablement. Chacun a le droit d’avoir un accès au logement et à l’hébergement digne.