
Véronique Fayet : « À Calais, un retour en arrière de plus de 10 ans ! »
Alors que le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'est félicité lundi 7 novembre de la réussite de l'opération de démantèlement, le Secours Catholique-Caritas France s'inquiète de ne voir maintenu à Calais aucun dispositif d'accueil pour les nouveaux migrants qui ne tarderont pas à arriver attirés par la traversée vers l'Angleterre.
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ENTRETIEN AVEC VÉRONIQUE FAYET, PRÉSIDENTE NATIONALE DU SECOURS CATHOLIQUE-CARITAS FRANCE |
Le Secours Catholique a exprimé son désaccord depuis plusieurs semaines sur les modalités de préparation et de mise en œuvre du démantèlement du bidonville de Calais.
Si, bien sûr. Nous nous félicitons que des milliers de personnes vivant dans des conditions indignes aient été mises à l’abri ; que l’État, avec l’aide des associations, ait pu proposer aux exilés d’entrer dans une démarche d’accès au droit d’asile. Nous nous félicitons également du passage légal des 300 mineurs qui ont pu rejoindre leurs familles en Grande-Bretagne.
Tout cela est positif, mais insuffisant. Car nous restons circonspects sur les suites : que deviendront les mineurs isolés qui ne seront pas admis en Grande Bretagne ? Le dispositif des CAOMI (Centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés) est-il assez solide pour dissuader ces mineurs de repartir dans la nature (ou plutôt entre les mains des filières) ? Un bilan précis sera à établir, car les informations qui remontent de nos délégations ne sont pas toutes positives, loin s’en faut…
Il est inconcevable de fermer les structures d’accueil et d’hébergement existantes à Calais, le Centre d’accueil provisoire (CAP) et le Centre Jules Ferry. En fermant ces infrastructures, l’opération de "mise à l’abri" qui s’est déroulée se transforme en une "mise en danger" de tous ceux qui vont venir à Calais dans les mois qui viennent. La disparition de ces structures d’accueil provisoires – que Bernard Cazeneuve avait créées et dont il faut lui être reconnaissant – est un retour en arrière de plus de dix ans !
C’est laisser les exilés à venir aux mains des passeurs, c’est les abandonner à des conditions de survie épouvantables, celles que nous avons déjà connues pendant des années. Cela, nous ne pouvons l’accepter. Il y aura toujours des migrants qui voudront gagner la Grande-Bretagne. Cela fait vingt ans que cela dure : par quel miracle ce processus cesserait-il subitement ? Je sais bien qu’en période électorale, certains ont tendance à promettre que « demain on rase gratis ». En l’occurrence, à Calais « on rase tout », mais c’est la même tromperie.
A minima, le Centre d’accueil Jules Ferry doit être maintenu pour accueillir et protéger temporairement les plus vulnérables
Le ministre va annoncer un nouveau dispositif. Quel que soit ce dispositif, il ne pourra être effectif avant plusieurs mois.
En attendant, au-delà de toute considération sur sa nature, oui, nous demandons avec la plus grande force que, a minima, soit maintenu en fonction le Centre d’accueil Jules Ferry pour accueillir et protéger temporairement les plus vulnérables (familles, femmes, enfants, personnes fragiles, etc).
C’est pour nous une question qui ne se discute pas. Il en va de la protection des plus fragiles.
Pour le dispositif à venir, nous verrons ce que décide le gouvernement. Mais ce dont nous sommes certains, c’est qu’un accueil doit rester ouvert à Calais même, et pas à des kilomètres ! Nous voulons des conditions accueils dignes, ouvertes, et qui prennent en compte un accompagnement humain de ces personnes qui arrivent souvent dans un état physique et moral déplorable. Nous souhaitons un accueil où ces personnes puissent se reposer, être soignées, être bien informées dans leur langue, et où il est possible avec eux de revoir leur projet migratoire.
Il est aussi indispensable de créer d’autres centres de ce type dans plusieurs villes en France en amont de la route migratoire vers Calais, pour que les migrants puissent revoir leur projet migratoire plus tôt.
Le gouvernement a réussi en trois semaines à faire passer 300 mineurs en Grande-Bretagne au titre du regroupement familial. Auparavant, ces démarches prenaient trois mois. Il est donc possible de faire pression sur le gouvernement britannique. Ces opérations doivent être pérennisées et transparentes. L’État français doit faire pression pour que ces voies légales soient davantage utilisées et que soient renégociées les conditions d’accueil des exilés entre la France et la Grande Bretagne.
