Calais : « Pourquoi ajouter de l’humiliation à la souffrance ? »
Malgré l'injonction qui leur a été faite fin juillet par le Conseil d'État, la préfecture et la municipalité de Calais refusent d'instaurer des conditions sanitaires dignes pour les personnes migrantes. Pour dénoncer la mauvaise foi des autorités, l'équipe locale du Secours Catholique a lancé une campagne « #Douche à #Calais » sur les réseaux sociaux.
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Entretien avec Vincent De Coninck chargé de mission Migrants dans le Pas-de-Calais |
Le dispositif mis en place par les autorités à Calais ne correspond ni à l’esprit ni à la lettre des ordonnances rendues par le Conseil d’État.
Quand la plus haute juridiction de l’État juge que des personnes sont soumises à un traitement inhumain et dégradant sur notre territoire, quelle est la réponse de la sixième puissance mondiale ?
Vingt robinets pour sept cents personnes, sans aucun débit, posés dans la boue en plein air, à 40 cm du sol, sans rien pour s’abriter de la pluie ou du regard des autres.
Ce dispositif n’est respectueux ni de la dignité de ces personnes ni de l’autorité du Conseil d’État.
Ces personnes sont dans la rue, pourquoi leur imposer en plus de se laver et de laver leur linge dans la boue, à genoux et devant tout le monde ? Pourquoi ajouter de l’humiliation à la souffrance ?
Dans le même temps, le gouvernement se permet de communiquer avec aplomb : « Ça y est, les migrants ont accès à l’eau ! »
Quand on dit à la préfecture : « Vous vous rendez compte de la situation ? » La réponse est : « Oui, mais l’État a décidé de ne pas faire de point de fixation à Calais. Si on installe des douches, cela va créer un appel d’air. »
C’est absurde.
Parce que quand vous avez entendu le récit d’une traversée du Sahara ou de la mer Méditerranée, vous ne pouvez imaginer une seconde qu’il y ait un lien de corrélation entre le fait d’installer des douches à Calais et le phénomène migratoire.
Comment penser que cela puisse jouer un rôle quelconque dans la décision de personnes et de familles de quitter leur maison, leur famille, leur pays ?
Cela n’a rien à voir. Sur les 8 000 personnes comptabilisées lors du démantèlement du bidonville en octobre, 7 000 étaient demandeuses d’asile en France et étaient à Calais à cause du manque de structures d’accueil sur notre territoire.
Donc, seulement 1 000 personnes étaient là pour essayer de passer en Angleterre. Aujourd’hui, elles sont 700 et ce chiffre augmente de semaine en semaine.
On voit donc que cette politique du non accueil ne marche pas. Il y aura toujours des réfugiés à Calais pour essayer de passer en Angleterre. Et ce n’est pas parce qu’on leur pourrit la vie qu’ils ne viendront plus.
Il y en a plusieurs. Le premier est de faire connaître la situation. Le deuxième est de faire prendre conscience à l’opinion publique de l’absurdité des arguments de l’État.
Et le troisième est de permettre à des personnes de montrer individuellement leur indignation et leur solidarité.
En cela, les réseaux sociaux sont pratiques car vous pouvez vous adressez directement aux comptes du président de la République ou du ministre de l’Intérieur, avec les mots clés #Douche et #Calais.
Lire aussi notre reportage « Calais : gérer à nouveau l'urgence »
