Un jour sur le Tour de France des préjugés

Depuis le 9 mars et jusqu'au 30 avril, le Secours Catholique va à la rencontre des citoyens. Le but : parler de la situation des personnes en précarité et démonter les préjugés à leur égard. Pas si simple. Reportage à Avignon.
« Les gens qui vivent dans la rue ne veulent pas s’en sortir ! » - « Ouais, ils ne font qu’acheter de l’alcool. » - « Regarde, le mec reste assis toute la journée, il pourrait chercher du travail. »
Devant une quinzaine d’élèves du lycée Saint-Joseph, à Avignon, Dimitri Maraine, comédien de la ligue avignonnaise d’improvisation régulière (Lair) et Simon Valdenaire, bénévole au Secours Catholique, enchaînent les préjugés sur un ton péremptoire.
Au bout d’un moment, Victor, 15 ans, n’y tient plus. Il intervient : « Vous vous êtes arrêtés pour leur parler ? » Réponse des deux autres : « Pour quoi faire ? » - « Et bien, pour essayer de comprendre leur situation ! » Approbation générale… Ou presque.
C’est difficile d’intervenir sur ce type de sujets. On connaît mal, on en parle peu.
Pour Étienne, 18 ans, élève en première, « c’est difficile d’intervenir sur ce type de sujets. On connaît mal, on en parle peu. Et puis, il faut oser exprimer son opinion. »
Libérer la parole, provoquer la discussion, c’est le but de la mobilisation organisée par le Secours Catholique du Vaucluse, ce mercredi 29 mars, dans le cadre du Tour de France des préjugés lancé au niveau national par l’association.
Bénévoles et salariés se relaient autour du camion-exposition installé place Pie dans le centre de la cité des papes. Ils vont à la rencontre des passants.
Souvent, les gens s’arrêtent quelques secondes, le temps de leur glisser un dépliant dans lequel sont déconstruites les principales idées reçues sur les personnes en précarité.
Il arrive parfois que les secondes se prolongent en minutes et qu’une discussion s’engage. Anne-Marie habite le quartier. Elle est très remontée. « Il y a déjà des pauvres en France et ils n’ont droit à rien. Les migrants, ils arrivent et ils ont droit à tout, ils touchent plus que les handicapés ! »
Après quelques échanges, la conversation prend un tour plus apaisé. La sexagénaire convient : « Peut-être que ce n’est pas eux le problème. Mais on en parle tellement à la télé que ça énerve. »
Les migrants, ils arrivent et ils ont droit à tout
Pour Ulysse, 22 ans, « les préjugés viennent avant tout de nous-mêmes. Les autres ne sont que des amplificateurs ». Clope à la main, guitare à l’épaule, le jeune Montpelliérain est un étudiant en vadrouille.
Issu d’un milieu social plutôt aisé, il fréquente beaucoup de personnes en galère. « Les préjugés font du mal à tout le monde, notamment à ceux qui les pensent, considère-t-il. Cela les enferme. »
Il y a aussi ceux qu’on a persuadé qu’ils n’étaient bons à rien. « Ils ont intégré le préjugé, observe le jeune homme. Et c’est sans doute chez eux que ce sera le plus dur de le casser. »
Espaces de construction
Julie, une bénévole de 38 ans, est un peu désarçonnée par l’échange qu’elle vient d’avoir avec un monsieur « très ouvert d’esprit » mais bourré d’idées reçues, dont il ne démord pas, « tout en étant conscient que tout le monde ne pense pas comme lui ».
Ce n’est pas « en deux minutes » qu’on peut convaincre, réalise la jeune femme. « On pourrait parler des jours et des jours », s’amuse Christian, 68 ans, retraité du secteur automobile.
Selon Ulysse, pour faire tomber les préjugés, « discuter autour d’un café n’est pas suffisant. Il faut faire travailler les gens ensemble ». Plus que des espaces de rencontre, le jeune homme préconise des « espaces de construction ».
