Depuis fin mars, l'accueil de jour du Secours Catholique à Avignon a rouvert ses portes 7 jours sur 7 (contre 5 avant la crise sanitaire). Une équipe de sept bénévoles y est présente entre 8 h et 11 h du matin pour assurer des services essentiels aux personnes sans abri : la remise de sacs déjeuner et un accès à des toilettes et douches. À la barre, Christel, responsable bénévole de l'accueil, qui a auparavant exercé comme travailleuse sociale. « Les gens nous remercient d’avoir rouvert, d’être là, du lundi au dimanche. C’est un bonheur de pouvoir agir dans ces moments difficiles. La crise va être dure, mais on va faire face ! »
© Christophe Hargoues / Secours Catholique
Auparavant, un petit-déjeuner commun était servi aux personnes dans la grande salle. Désormais, ces dernières sonnent à la porte d'entrée, puis se voient remettre individuellement un sac déjeuner et une boisson chaude. Laurent, à la fois "accueilli" et bénévole, se charge d'acheter du pain frais à la boulangerie et de l'ajouter aux denrées non périssables dans les sacs préparés la veille. « Ça m'occupe de rendre service, car c'est pas facile d'être confiné seul face à soi-même », témoigne le quinquagénaire, hébergé temporairement chez un cousin. « Le sac déjeuner, ça me fait le petit-déjeuner et le repas du midi ». Percevant le RSA, Laurent a postulé pour travailler dans le maraîchage. Il espère des réponses positives.
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Pour assurer le fonctionnement de l'accueil de jour, de nouveaux volontaires, venus des paroisses, des services municipaux, ou bien simples citoyens, ont pris le relais des bénévoles plus âgés appelés à rester chez eux. Baptiste, 31 ans, venait tout juste de s'engager au Secours Catholique avant le confinement, en février. Le jeune homme prépare les sacs déjeuner et les remet aux personnes qui se présentent à l'accueil. Mais ce que préfère cet infirmier en santé mentale, c'est aller à la rencontre des personnes en grande précarité lors des "maraudes" mises en place depuis la crise.
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Entre 9 h et 10h30, deux binômes partent en effet de l'accueil de jour, chariot de course et caba à la main, pour sillonner les rues de la cité des Papes. Ils offrent aux sans-abri qu'ils croisent des sacs déjeuner et un café. « Beaucoup n'ont pas vraiment conscience de la situation et sont dans leur propre réalité, en marge, explique Baptiste. La société ne fait rien pour les inclure. Certains ont reçu des amendes, accompagnées d'un "rentrez chez vous !". Des places d'hébergement ont été ouvertes, mais cela reste insuffisant, et certains ne veulent pas se retrouver en foyer ou en gymnase. » Le jeune bénévole ajoute : « Que ce soit en maraude ou devant l'accueil de jour, on prend le temps d'échanger quelques mots, d'entrer en relation. C'est important. »
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Chaque matin, entre quinze et vingt personnes, dont quelques femmes, se présentent à l'accueil de jour pour prendre une douche. Sur les quatre salles de bain disponibles, deux sont utilisées, en alternance, pour permettre le nettoyage approfondi après chaque passage. Dominique, bénévole depuis six ans, remet à chacun une serviette de bain, du dentifrice et une brosse à dents, de la mousse à raser et un rasoir au besoin. « Les trois premières semaines du confinement, je suis resté chez moi, témoigne le bénévole. J'ai eu quelques appréhensions à revenir, et puis elles se sont vite dissipées. On est très bien protégés : masques, gants, gel... Sans compter la désinfection complète par une entreprise spécialisée en fin de matinée. » Dominique est conscient de l'importance du service qu'il assure : « L'accès aux douches, c'est primordial. Le besoin est réel. » Peu de solutions alternatives existent en effet à Avignon. Jean, qui dort dans sa voiture depuis quelques mois et a recours aux sacs déjeuner ainsi qu'aux douches de temps à autre, le confirme : « C'est vital ».
©Christophe Hargoues / Secours Catholique
À 11 heures, Dominique passe des douches au courrier. 280 personnes sont domiciliées à l'accueil de jour, c'est-à-dire qu'elles y reçoivent leur courrier. Afin qu'il n'y ait pas de rupture dans leurs droits sociaux, il était important qu'elles continuent à avoir accès à ce courrier. Dominique trie les plis reçus, les attribue aux boîtes aux lettres. La remise aux destinataires se fait sur rendez-vous, dans un créneau d'une heure, deux fois par semaine.
Depuis son domicile de Monfavet, à l'extérieur des remparts, Dominique est de permanence, un jour par semaine, pour la "hotline" départementale mise en place par le Secours Catholique à l'échelle du Vaucluse afin de répondre à la détresse des ménages fragilisés par la crise. Au bout du fil, des travailleurs sociaux, qui lui indiquent des situations problématiques, ou bien des personnes en difficulté qui appellent directement à ce numéro unique. Dominique les oriente alors vers l'équipe du Secours Catholique la plus proche de chez eux, qui, après échange téléphonique toujours, pourra leur attribuer des chèques services. « Au début, nous avons eu des appels concernant des gens du voyage, des sans papiers. Aujourd'hui, on a des étudiants qui ont perdu leur petit job, non déclaré parfois, beaucoup de familles monoparentales, des personnes en instance de régularisation dont la situation est bloquée, ou qui n'étaient pas encore dans le circuit du RSA au moment de la crise. » Dominique cite aussi le cas d'une maman qui avait un CDD en crèche, non renouvelé en raison du confinement, et d'une famille de commerçants qui se retrouve sans rien. « L'économie va redémarrer, mais que va-t-il se passer pour eux ? », s'interroge Dominique.
Marie-Pierre est une nouvelle recrue. Cette soeur franciscaine de 50 ans, supérieure régionale et confinée à Avignon dans une communauté de soeurs âgées, a rejoint l'équipe spéciale d'écoutants que le Secours Catholique a montée à Avignon. Cinq bénévoles - un par jour - se relaient pour prendre les appels redirigés par les bénévoles de la "hotline" départementale. Marie-Pierre est ainsi chargée de rappeler les personnes en précarité qu'on lui signale sur son secteur. « Lundi, j'ai fait sauter le compteur, raconte la bénévole. 25 appels ! La crise dure, et on est en fin de mois, c'est de plus en plus dur. » Elle a notamment écouté Lydia, maman seule de deux enfants de 14 et 11 ans, qui voit ses dépenses alimentaires augmenter. Avec son seul RSA, l'interruption de la cantine scolaire et l'absence de pension du papa, elle ne peut faire face. « Le Secours Catholique m'a donné 150 euros de chèques services, j'ai pu acheter des produits d'hygiène, un peu de viande, du riz, des pâtes, des choses pour le goûter, confie Lydia. C'est la première fois que j'ai besoin d'aide pour acheter à manger. En ce moment, on ne vit pas, on survit. »
©Christophe Hargoues / Secours Catholique
Écoutante comme Marie-Pierre dans l'équipe spéciale d'Avignon, Fabienne, infirmière en psychiatrie fraîchement retraitée et engagée depuis fin mars au Secours Catholique, est également "livreuse" de chèques services. « C'est intéressant de pouvoir être en contact visuel avec la personne que l'on a eue au téléphone. Dans cette rencontre en chair et en os, l'émotion peut passer. Il y a ce qui se dit, ce qui ne se dit pas, les gestes, les questions que la personne pose ou pas... En toute modestie, je pense que les gens sont sensibles à cette rencontre, même brève. » La bénévole se dit « heureuse de vivre ces moments-là. J'ai l'impression d'être au bon endroit, au bon moment. » Et pour l'après, elle fourmille d'idées et d'envies (atelier d'écriture, groupe de conversation en français...), « pour créer du lien. »
©Christophe Hargoues / Secours Catholique